La nature des rapports entre le Polisario et les dirigeants civils et militaires, qui se sont succédés au pouvoir à Alger, depuis l’époque du défunt président Houari Boumédiène, constituent une véritable énigme pour nombre d’observateurs et experts spécialisés dans les questions maghrébines. Le Polisario, un mouvement séparatiste crée de toutes pièces par les Algériens dans les années 70 avec le concours combien précieux et généreux, du colonel libyen Mouammar Kadhafi, que peut-il offrir à ces dirigeants pour mériter une sollicitude tout à fait particulière. La direction de ce mouvement a été confiée à Mohamed Abdelaziz, un pur marocain, natif de Marrakech qui a succédé à El-Ouali Moustapha Sayed, froidement assassiné par les siens en juin 1976 à Nouakchott. Avec le temps Abdelaziz el Marrakchi comme le surnommait le défunt roi Hassan II, a été adopté par les généraux algériens pour sa docilité et son aveugle obéissance à leurs ordres et directives.
Le secret de la longévité des liens entre la direction du Polisario et certains dirigeants civils et militaires algériens, nous explique un vieux diplomate très proche des coulisses d’Al Mouradia, réside essentiellement dans la conjonction des intérêts strictement personnels des deux clans. Le régime algérien utilise l’affaire du Sahara pour affaiblir son voisin de l’Ouest et éclipser son rôle de leadership dans la région et dans le continent africain. Les éléments du Polisario bien entrainés aux techniques de la guérilla sont utilisés en cas de besoin dans des missions un peu spéciales comme c’est le cas depuis tout récemment dans le conflit libyen. De récentes informations ont fait état de l’envoi par le DRS (service de renseignement militaire algérien) de mercenaires du Polisario armés jusqu’aux dents en Libye, pour combattre la rébellion, aux côtés forces loyales du colonel Kadhafi.
Au top de ces intérêts figure aussi l’aide humanitaire destinée aux populations sahraouies des camps de Tindouf dans le sud-ouest algérien, et qui a toujours constituée une mine d’or tant pour le chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, ses proches collaborateurs que pour certains hommes bien introduits dans le pouvoir algérien.
Les détournements de cette aide est «l’œuvre conjointe de la direction du Polisario et de certains milieux algériens proches du pouvoir», comme l’affirme d’un rapport confidentiel, Claude Moniquet, président du Centre Européen pour l’intelligence stratégique et la sécurité (ESISC).
C’est la raison pour laquelle, le pouvoir algérien, sous la pression de ses généraux, refuse depuis la création du Polisario, toute proposition de recensement des réfugiés des camps de Tindouf. Selon des notes contenues dans un rapport confidentiel de l’Office européen de lutte Anti-fraude cité par L’ESISC, si «le refus injustifiable de l’Algérie» de procéder à ce recensement «peut s’expliquer facilement eu égard à l’état de ses relations avec le Maroc et par son besoin de propagande politique sur la question des réfugiés présents sur son sol, le refus du Polisario est, quant à lui, principalement motivé par les profits illégaux que les dirigeants du front opèrent grâce à une surestimation du nombre de réfugiés et, par voie de conséquence, à une aide humanitaire plus importante».
Dans l’affaire du Sahara Occidental qui oppose le Polisario au Maroc, explique le diplomate qui a souhaité garder l’anonymat, les généraux algériens, pour continuer à tirer profit de la situation actuelle, pèsent de tout leur poids sur l’exécutif pour maintenir le statut-quo dans cette affaire et garder le plus longtemps possible les frontières fermées avec le Maroc. Ils profitent non seulement de la revente des aides humanitaires, mais également des millions de pétrodollars que l’Etat algérien débourse chaque année, pour armer et entretenir les milices du Polisario, financer l’ouverture et le fonctionnement de ses «ambassades» et autres représentations à l’étranger et soudoyer divers lobbies pour soutenir les thèses des séparatistes.