La pratique de la torture par la Sécurité militaire en Algérie

AMNESTY INTERNATIONAL

Les autorités algériennes prennent des mesures antiterroristes depuis plus de dix ans ; elles ont été largement critiquées dans les années 90 pour avoir violé les droits humains au nom de la lutte contre le terrorisme. Toutefois, l’Algérie est récemment devenue un allié de premier plan des États-Unis et des autres États participant à la «guerre contre le terrorisme».

Bien que les graves atteintes aux droits humains commises en Algérie soient moins nombreuses que dans les années 90, des violations graves de ces droits continuent d’être signalées précisément dans le cadre des mesures antiterroristes. Au fil des ans, Amnesty International a examiné en détail le recours à la torture et aux autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (appelés ci-après mauvais traitements). Le nombre de cas de torture et de mauvais traitements signalés durant la garde à vue aux mains de la police ou de la gendarmerie a diminué, mais les agents de la Sécurité militaire, un service de renseignement spécialisé dans l’interrogatoire des personnes soupçonnées de détenir des informations sur des activités terroristes, continuent de recourir systématiquement à de telles pratiques. Bien que ce service soit toujours appelé la Sécurité militaire, son nom officiel est, depuis 1990, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS).

Le présent rapport expose les résultats des recherches menées par l’organisation sur la persistance du recours des agents du DRS à la torture et aux mauvais traitements dans les affaires de terrorisme. Bien qu’on signale aujourd’hui moins de cas de mauvais traitements que pendant les années où la violence avait atteint un sommet, les personnes détenues par le DRS sont systématiquement maintenues au secret et privées de tout contact avec le monde extérieur, souvent pendant des périodes prolongées, dans des conditions qui favorisent le recours à la torture et peuvent constituer en soi des mauvais traitements. Ces pratiques enfreignent la législation algérienne et les obligations internationales de l’Algérie dans le domaine des droits humains.

Les victimes des violations relatées dans le présent rapport appartiennent à des milieux très divers Certaines ont été arrêtées pour leurs liens présumés avec des groupes armés toujours actifs en Algérie, d’autres sont des Algériens résidant à l’étranger ou des ressortissants d’autres pays d’origine algérienne qui, dans certains, cas, n’ont pas pris la moindre part au conflit en Algérie. Des personnes ont été interpellées car on les soupçonnait d’avoir participé à des actes de violence, d’autres parce qu’elles étaient parentes de suspects ou entretenaient d’autres liens avec eux. Il semble que les agents du DRS arrêtent des individus et leur infligent des tortures et des mauvais traitements essentiellement parce qu’ils les soupçonnent de détenir des informations sur des groupes armés opérant en Algérie ou sur des activités terroristes présumées à l’étranger.

L’Algérie sort de plus d’une décennie de violence au cours de laquelle environ 200 000 personnes auraient été tuées et beaucoup d’autres blessées. Certaines de ces violences ont été perpétrées au nom de la lutte contre le terrorisme par les forces de sécurité : ces dernières sont responsables de milliers d’exécutions extrajudiciaires et de «disparitions» et ont eu systématiquement recours à la torture. Des exactions graves ont également été commises par des membres de groupes armés, mais la grande majorité de ces agissements n’ont fait l’objet d’aucune enquête officielle et les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice.

Les mesures que les autorités algériennes ont récemment prises en affirmant vouloir renforcer la «réconciliation nationale» n’ont pas résolu les problèmes terribles hérités du passé. Des lois adoptées en février 2006 prévoient l’exemption des poursuites ou la remise en liberté à la faveur d’une amnistie des individus condamnés ou détenus pour des activités terroristes, et l’impunité généralisée pour les membres des forces de sécurité responsables de violations des droits humains. Selon les autorités, quelque 2 000 personnes ont été libérées en application des lois de «réconciliation nationale». Parmi les bénéficiaires de ces mesures figurent des individus soupçonnés d’activités terroristes et maintenus en détention secrète et qui auraient été torturés et maltraités ; le cas de certains d’entre eux est exposé dans le présent rapport.

Selon le raisonnement de certains gouvernements étrangers, les mesures de «réconciliation nationale» auraient fait disparaître le risque que des Algériens soupçonnés d’activités terroristes, dans leur pays ou à l’étranger, soient arrêtés et torturés ou maltraités en Algérie. Au moins l’un de ces pays, le Royaume-Uni, a cherché à conclure un accord lui permettant de renvoyer de force dans leur pays les ressortissants algériens considérés au Royaume-Uni comme une menace pour la sécurité, pourvu que des «assurances diplomatiques» promettent qu’ils ne seraient pas torturés ni victimes d’autres violations de leurs droits fondamentaux en Algérie. Toutefois, de tels accords bilatéraux ne sont pas contraignants en droit international, à la différence des traités qui prohibent le recours à la torture et auxquels l’Algérie est partie mais qu’elle viole régulièrement. Amnesty International est profondément préoccupée par l’utilisation des «assurances diplomatiques» (ou «contacts diplomatiques») pour le renvoi d’étrangers considérés comme une menace pour la sécurité. Toutefois, dans le cas de l’Algérie, l’organisation déplore également que, dans la pratique, les autorités civiles n’exercent aucun contrôle sur le comportement et les activités du DRS, organe qui est le plus susceptible de détenir ces individus renvoyés en Algérie.

Par ailleurs, Amnesty International craint qu’en permettant aux auteurs d’atteintes graves aux droits humains commises par le passé de bénéficier de l’impunité, les mesures de «réconciliation nationale» ne favorisent la persistance du recours à la torture et autres mauvais traitements. En accordant une amnistie généralisée aux membres des forces de sécurité auteurs de crimes au regard du droit international et en interdisant aux tribunaux algériens d’examiner les plaintes déposées contre eux, les lois de février 2006 indiquent clairement aux responsables d’actes de torture et de mauvais traitements qu’ils peuvent agir en toute impunité. Qui plus est, ces lois érigent en infraction pénale, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, toute critique publique de la conduite passée ou présente des forces de sécurité.

Le présent rapport expose en détail les préoccupations d’Amnesty International quant aux actes de torture et mauvais traitements infligés aux personnes détenues ces dernières années pour des activités terroristes présumées, et décrit le contexte dans lequel ces violations des droits fondamentaux continuent d’être commises en Algérie. L’organisation adresse aux autorités algériennes et aux gouvernements étrangers associés à l’Algérie pour prendre des mesures antiterroristes une série de recommandations. Si elles sont appliquées, elles permettront de mettre un terme à la pratique de la torture et des mauvais traitements en Algérie.{mospagebreak}

Ce rapport fait suite à un mémorandum adressé, le 13 avril 2006, au président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui est également ministre de la Défense et, en cette qualité, contrôle le DRS, celui de tous les services qui est le plus souvent associé à la pratique de la détention secrète et de la torture(1). Ce document sollicitait les observations des autorités ainsi que des informations concernant d’éventuelles enquêtes sur 12 cas représentatifs de torture et de mauvais traitements qu’Amnesty International souhaitait évoquer dans ce rapport. Ces cas sont exposés en détail dans le mémorandum et certains d’entre eux sont également évoqués dans le présent rapport. Aucune réponse des autorités algériennes n’était parvenue à la fin de mai 2006.

Amnesty International observe attentivement depuis de nombreuses années la situation des droits humains en Algérie. Les conclusions exposées dans le présent rapport sont basées sur des dizaines de cas de torture et de mauvais traitements recensés par l’organisation entre 2002 et 2006. Amnesty International suit de près les sources publiques d’information sur l’Algérie, elle effectue des recherches sur des cas individuels d’atteintes aux droits humains portés à sa connaissance et entretient des contacts permanents avec des militants des droits humains dans le pays. En 2003 et en 2005, des délégués de l’organisation ont pu se rendre en Algérie pour y mener des recherches approfondies sur la torture, entre autres sujets de préoccupation dans le domaine des droits humains. Les représentants d’Amnesty International ont rencontré des victimes de torture, des familles de détenus, des militants des droits humains, des avocats et des membres d’organisations locales de défense des droits humains, ainsi que divers représentants des autorités, notamment gouvernementales. L’organisation a informé le gouvernement algérien en mai 2006 qu’elle souhaitait envoyer une délégation dans le pays en septembre 2006, mais, au moment de la rédaction du présent rapport, elle n’avait reçu aucune réponse.

Au cours de la mission effectuée en 2005, les délégués d’Amnesty International ont évoqué les conclusions préliminaires de leurs recherches lors d’entretiens avec des représentants du ministère de la Justice ainsi que de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), organe officiel de défense des droits humains. Bon nombre des questions posées par les délégués de l’organisation, notamment à propos du rôle du DRS et des mécanismes de contrôle, sont restées sans réponse. Malgré des demandes répétées, les représentants d’Amnesty International n’ont pas pu rencontrer le ministre de la Défense, autorité de tutelle du DRS.

Principales recommandations

Amnesty International demande aux autorités de prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à la torture et aux mauvais traitements. Le gouvernement devrait en priorité :

Veiller au respect des procédures légales pour les arrestations et les placements en détention. Étant donné que les agents du DRS n’ont pas à rendre compte de leurs actes et qu’ils ne sont soumis à aucun véritable mécanisme de contrôle, ils ne devraient pas être autorisés à procéder à l’arrestation et au placement en détention de suspects ;
Mettre en place des garanties efficaces contre la torture et les mauvais traitements, ce qui implique en particulier de permettre à toute personne placée en détention de consulter sans délai un avocat ;
Remplir ses obligations internationales d’ordonner des enquêtes et d’engager des poursuites contre les responsables de torture et de mauvais traitements, et abroger toutes les dispositions législatives adoptées en février 2006 qui sont contraires à ces obligations et pénalisent la liberté d’expression à propos des violations des droits humains perpétrées par des agents de l’État.

Les gouvernements étrangers doivent, eux aussi, redoubler leurs efforts pour que prennent fin la torture et les mauvais traitements en Algérie, à l’heure où la coopération avec ce pays dans le domaine de la sécurité se renforce. Amnesty International reconnaît que les gouvernements étrangers ont un intérêt légitime à coopérer avec l’Algérie pour prévenir certaines menaces à la sécurité et enquêter sur des crimes relevant du droit international. Toutefois, la coopération internationale contre le terrorisme doit s’effectuer dans le strict respect du droit international et les États doivent veiller à ce que les mesures prises pour combattre le terrorisme soient conformes à leurs obligations au regard du droit international. Amnesty International exhorte les gouvernements étrangers à :

  • Veiller à ce qu’aucun Algérien ne soit renvoyé de force dans son pays s’il risque d’être torturé ou maltraité, et mettre un terme à l’utilisation des «assurances diplomatiques». Les gouvernements doivent plutôt œuvrer à la mise en place d’un système global de garanties contre la torture et les mauvais traitements en Algérie ;
  • Veiller à ce que des éléments recueillis auprès de suspects à la suite d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés en Algérie ne soient pas retenus à titre de preuve dans une procédure judiciaire ;
  • Veiller à ce que leurs propres forces de sécurité, y compris les services de renseignement, ne favorisent pas les violations des droits humains en Algérie et n’en soient pas complices, et que tout individu arrêté en Algérie à la demande d’un gouvernement étranger soit traité conformément à la législation algérienne et au droit international et ne soit pas arrêté ni détenu par le DRS.{mospagebreak}

Le terrorisme et la lutte contre le terrorisme en Algérie

Des actes de torture et autres mauvais traitements sont infligés en Algérie aux détenus soupçonnés d’activités terroristes, alors que viennent de s’écouler plus de dix années de violence qui ont vu les garanties de protection des droits humains subir de terribles atteintes. Les violations des droits fondamentaux au nom de la lutte contre le terrorisme sont devenues monnaie courante au cours de cette période où les forces de sécurité affrontaient brutalement les groupes armés qui commettaient des exactions graves et systématiques contre les civils. Le DRS, unité souvent mentionnée aujourd’hui lorsqu’il est question de torture et autres mauvais traitements, a joué un rôle clé dans l’escalade de la violence contre les civils dans les années 90. L’impunité accordée aux violations passées des droits humains a été renforcée par les lois d’amnistie adoptées en 2006 dans le but proclamé de mettre un point final aux années de violence.

L’Algérie et la lutte contre le terrorisme

Le quotidien officiel El Moudjahid a récemment décrit dans les termes suivants le rôle de l’Algérie dans la participation à la «guerre contre le terrorisme» menée par les États-Unis :
«L’Algérie est engagée dans la lutte anti-terroriste. Elle dispose indéniablement d’une expérience inédite en la matière et chèrement acquise par ses seuls moyens nationaux. Elle a particulièrement une expérience en matière de recueil et de traitement de l’information qui place ses services de renseignement comme partenaire incontournable de toute lutte anti-terroriste. Les États-Unis lui ont reconnu cette expérience qui fait école dans le monde(2)».

En particulier, depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, l’Algérie est devenue un allié important de plusieurs gouvernements dans le contexte de la «guerre contre le terrorisme». Certains pays ont mis en place des programmes d’aide financière et de renforcement des capacités pour soutenir le combat contre le terrorisme en Algérie et dans d’autres pays de la région. Le gouvernement américain a renforcé sa coopération avec l’Algérie en matière de lutte contre le terrorisme, notamment dans le cadre de l’Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme, un programme du gouvernement américain visant, entre autres, à renforcer la capacité de différentes forces de sécurité, parmi lesquelles les forces algériennes, à lutter contre le terrorisme dans la région du Sahara. L’Union européenne (UE) s’est engagée à fournir une assistance contre le terrorisme à deux pays prioritaires, dont l’Algérie.

Des Algériens en nombre croissant ont été arrêtés à l’étranger pour leur participation présumée à des activités terroristes, ce qui amène les gouvernements à s’intéresser de plus en plus à l’échange d’informations relatives à la sécurité avec les autorités algériennes. Plusieurs gouvernements, notamment ceux du Canada, de la France et du Royaume-Uni, négocient avec l’Algérie l’expulsion de ressortissants algériens considérés comme représentant une menace pour leur sécurité. Par ailleurs, quelque 25 Algériens seraient détenus par l’armée américaine à Guantánamo Bay, et certains d’entre eux pourraient être transférés prochainement en Algérie.

Les autorités américaines, entre autres, ont publiquement souligné l’importance de l’Algérie comme allié dans la coopération internationale en matière de sécurité, allant parfois jusqu’à cautionner ouvertement l’approche antiterroriste adoptée par l’Algérie dans les années 90(3). Quant au gouvernement algérien, il s’efforce de répliquer aux critiques internationales à propos de la situation des droits humains dans le pays en rappelant la menace terroriste intérieure et en affirmant que des groupes armés algériens sont liés au réseau international d’Al Qaïda. Toutefois, le comportement de ces groupes en Algérie ne permet pas de confirmer cette thèse(4).

En réalité, la campagne de l’Algérie contre le terrorisme vise avant tout à anéantir des groupes armés dans le cadre d’une lutte pour le pouvoir au niveau national. Certains de ces groupes sont apparus après que l’armée a annulé, en 1992, les premières élections pluralistes de l’histoire du pays, que le Front islamique du salut (FIS), un parti islamiste, était en passe de remporter. Les groupes armés, qui voulaient faire valoir par la violence la victoire électorale du FIS, ont pris pour cible non seulement les institutions étatiques, mais aussi, et de plus en plus, les civils considérés comme ayant soutenu le coup d’État militaire ou ne respectant pas les valeurs «islamiques» telles que ces groupes les avaient définies.

L’escalade de la violence en Algérie a été le résultat d’une dynamique complexe dans laquelle les forces de sécurité ont joué un rôle central en se livrant elles-mêmes à des violences de grande ampleur. Elles ont déclenché une campagne de violence contre les membres et les sympathisants, avérés ou présumés, du FIS pour éradiquer tout soutien à ce mouvement au sein de la population en général. Les arrestations arbitraires et la détention administrative sont devenues monnaie courante, le recours à la torture était systématique, et des milliers de personnes ont été sommairement exécutées par des membres des forces de sécurité. Selon des statistiques officielles publiées en mars 2005, on restait sans nouvelles d’au moins 6 146 personnes «disparues(5)» après leur arrestation par les forces de sécurité et les milices armées par l’État.

Des lois d’exception ont été adoptées en 1992 et en 1993. Elles ont institué, entre autres, des tribunaux spéciaux chargés de juger les affaires liées au terrorisme et ont élargi la définition du terrorisme à toute une série d’activités, dont l’exercice pacifique de certains droits civils et politiques. À l’instar de nombreux autres éléments de la législation d’exception, la définition du terrorisme a été incorporée, en 1995, dans le Code pénal, et elle est toujours en vigueur (voir plus loin : La définition large des actes de terrorisme). Entre 1992 et 1995, des milliers de personnes ont été condamnées par les juridictions spéciales, qui appliquaient une procédure limitant les droits de la défense ainsi que le droit d’appel et dont la composition demeurait secrète. Bien que ces juridictions aient été abolies en 1995, les procès pour actes de terrorisme sont loin d’être conformes aux normes internationales d’équité, les juges s’abstenant régulièrement d’ordonner des enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements.

Les autorités algériennes ont tenté de justifier ces mesures en mettant en avant les violences imputables aux groupes armés, et notamment les attentats à l’explosif, les enlèvements, les viols ou les massacres de civils. Toutefois, malgré l’augmentation considérable des actes de violence commis par les groupes armés au milieu des années 90, presque aucun de ces agissements n’a fait l’objet d’une enquête officielle et leurs auteurs présumés n’ont pas été traduits en justice. À la fin des années 90, période où les attaques des groupes armés faisaient des centaines de victimes civiles à la fois, la composition de ces groupes et de leur direction étaient de plus en plus confuses.

S’il y a une leçon à tirer de l’exemple algérien, elle porte sur les conséquences désastreuses d’une stratégie antiterroriste qui ne tient aucun compte des garanties fondamentales relatives aux droits humains. Les violences des groupes armés et les mesures antiterroristes ont causé la mort de dizaines de milliers de personnes ; les violences qui n’ont pas cessé font plusieurs centaines de morts chaque année (voir plus loin : La persistance de la violence) Beaucoup d’autres personnes ont été blessées, certaines conservent des handicaps ou subissent les séquelles psychologiques et socioéconomiques des violences. Après des années pendant lesquelles l’impunité s’est perpétuée sans qu’aucune enquête soit menée, les victimes et leurs familles n’ont obtenu ni justice ni réparations et ignorent souvent la vérité sur les crimes commis contre elles.{mospagebreak}
Le rôle du DRS

Le DRS est un service de renseignement de l’armée qui a été désigné par des noms différents depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Appelé autrefois Sécurité militaire, il a été rebaptisé en 1990 Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Ce service est toutefois toujours appelé Sécurité militaire dans certains documents officiels, notamment des articles du Code de procédure pénale, ainsi que par les médias et la population en général.

Le DRS est entouré de secret. On ne dispose d’aucune information officielle sur sa mission, ses pouvoirs ou son organisation interne. Les seuls renseignements sur le DRS proviennent des témoignages de victimes de violations des droits humains ou de récits d’anciens officiers de l’armée publiés après qu’ils eurent déserté et sollicité l’asile politique à l’étranger. Les témoignages de personnes détenues par le DRS semblent indiquer que ce service est spécialisé dans la fourniture de renseignements en rapport avec la lutte contre le terrorisme et qu’il joue actuellement un rôle central dans l’interrogatoire des personnes soupçonnées de détenir des informations à propos d’activités terroristes.

Selon les récits d’anciens membres du DRS, ce service est constitué de trois départements, dont deux sont chargés du renseignement intérieur et le troisième des questions extérieures. Dans les années 90, les branches intérieures auraient ouvert dans tout le pays des centres locaux, les Centres territoriaux de recherche et d’investigation (CTRI), qui étaient en première ligne des «opérations antiterroristes». D’autres branches de l’armée, ainsi que des éléments de la police et de la gendarmerie, auraient agi sous les ordres du DRS et de ses responsables. Qui plus est, le DRS a, semble-t-il, créé au sein de l’organisation des sous-structures qui ne conservaient aucun document écrit et dont la composition et le fonctionnement étaient peu clairs même pour les officiers supérieurs du service. Dès le début du conflit, ces structures auraient été responsables de l’exécution extrajudiciaire de sympathisants présumés du FIS ainsi que de missions non officielles d’infiltration des groupes armés.

L’ensemble d’éléments rassemblé par des défenseurs des droits humains ainsi que par les victimes de violations de ces droits et leurs familles révèle la responsabilité d’agents du DRS dans le recours systématique à la torture et les exécutions extrajudiciaires massives de sympathisants présumés du FIS au cours des années 90(6). Les témoignages indiquent régulièrement que les arrestations ont été pratiquées par des agents semblant appartenir au DRS, opérant en civil, parfois le visage masqué, et circulant à bord de véhicules banalisés. Dans d’innombrables cas, la trace des personnes arrêtées par des membres du DRS, ou d’autres forces de sécurité, se perd dans des centres de détention secrets gérés par le DRS. Au moment de la rédaction du présent document, on ignorait le sort de ces «disparus» ainsi que leur lieu de détention.

Il ressort d’allégations de plus en plus nombreuses émanant d’anciens officiers de l’armée que le DRS était l’élément moteur des crimes les plus graves imputés aux forces de sécurité et que, de surcroît, ses agents infiltraient et manipulaient les groupes armés dans le cadre d’une stratégie délibérée consistant à aggraver encore la violence contre les civils et à réduire en conséquence le soutien de la population à ces groupes. Comme aucune enquête n’a été menée sur les atteintes graves et systématiques aux droits humains commises par les groupes armés dans les années 90, la lumière n’a pu être faite sur ces allégations. Un ancien responsable de l’armée a reconnu publiquement que les forces de sécurité avaient infiltré des groupes armés dans le cadre d’une stratégie militaire(7), mais les autorités algériennes n’ont pris aucune initiative pour clarifier le rôle des forces de sécurité, et en particulier du DRS, dans le conflit. Les récentes mesures d’amnistie risquent d’empêcher toute enquête impartiale pendant des années, voire des décennies.{mospagebreak}

Les lois d’amnistie de 2006

Les mesures successives qui avaient pour but, selon les autorités algériennes, de mettre un point final aux années de violence n’ont pas pris en compte les préoccupations relatives aux droits humains et ont accordé une impunité généralisée aux responsables d’atteintes à ces droits. Pour Amnesty International, bien loin de contribuer à mettre un terme à ces pratiques, ces mesures sont susceptibles de favoriser la persistance de la torture et autres mauvais traitements en Algérie.

Des dispositions législatives récentes ont renforcé l’impunité dont bénéficient les agents de l’État et empêché l’ouverture future d’informations judiciaires sur les crimes commis par les forces de sécurité. Ces mesures sont lourdes de conséquences pour la persistance de l’impunité en Algérie, et leur mise en application devra être surveillée de près. Le présent rapport est consacré aux aspects de ces lois qui concernent les violations des droits fondamentaux des détenus soupçonnés d’activités terroristes.

Les mesures précédentes adoptées en 1999 et en 2000, qui prévoyaient l’exemption des poursuites et l’amnistie pour les membres des groupes armés, ont, dans les faits, abouti à une impunité généralisée(8). En février 2006, une série de décrets a élargi le champ d’application des mesures d’amnistie et d’exemption des poursuites promulguées auparavant et a accordé l’impunité généralisée aux membres des forces de sécurité. Ces initiatives, accompagnées d’offres d’indemnisation pour certaines catégories de victimes et d’une aide économique et sociale pour les familles d’anciens membres des groupes armés, ont été qualifiées de solution définitive pour régler les séquelles du conflit et de moyen de mettre un terme à la persistance des violences. Promulguées par un décret présidentiel, ces mesures sont fondées sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée lors d’un référendum en septembre 2005. Ce document nie expressément que les forces de sécurité aient commis des violations graves et massives des droits humains dans l’exercice de leurs fonctions, mais il ne fait pas mention d’une amnistie.

Amnesty International a exprimé à plusieurs reprises la préoccupation que lui inspirent ces mesures(9). Elle s’inquiète principalement de ce que les lois de février 2006 prévoient l’impunité pour les crimes de droit international commis tant par les membres des groupes armés que par les agents de l’État. Ces mesures, contraires aux principes fondamentaux du droit international, ne sont rien d’autre qu’un déni définitif de vérité et de justice pour les victimes et leurs familles.

Tout en reconnaissant la responsabilité des groupes armés dans des atteintes graves aux droits humains, l’Ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit l’extinction de l’action publique ou la remise en liberté à la faveur d’une amnistie de tout individu recherché, condamné ou détenu pour des actes de terrorisme. Les personnes inculpées ou condamnées pour avoir «commis ou […] été les complices ou les instigatrices des faits de massacres collectifs, de viols ou d’utilisation d’explosifs dans des lieux publics» sont exclues de ces dispositions, mais elles peuvent bénéficier de mesures de clémence ou de grâce. L’ordonnance dispose que ces mesures ne s’appliquent pas aux personnes recherchées, inculpées ou condamnées pour des actes de terrorisme commis à l’étranger et ne visant pas des intérêts algériens.

Selon des déclarations officielles, plus de 2 000 individus inculpés ou condamnés pour leur participation à des activités terroristes ont été remis en liberté en mars 2006. Parmi eux figuraient des chefs connus de groupes armés, emprisonnés depuis plusieurs années, ainsi que des individus condamnés pour des actes de terrorisme commis en Algérie ou à l’étranger. D’autres, inculpés pour des activités terroristes présumées, étaient en instance de jugement. L’organisation craint que des membres de groupes armés qui n’ont pas encore été jugés et sont soupçonnés de crimes de droit international puissent être exemptés de poursuites aux termes de la loi. D’une part, les critères d’exclusion ne sont pas suffisamment précis pour garantir que les auteurs de certains crimes de droit international, tels les homicides qui ne sont pas qualifiés de massacres ou les actes de torture, seront poursuivis. D’autre part, les mesures ont été appliquées sans transparence et leur mise en œuvre n’a pratiquement été accompagnée d’aucune information, notamment en ce qui concerne le processus permettant de désigner ceux qui peuvent bénéficier de l’extinction de l’action publique, ce qui fait craindre qu’elles ne soient appliquées arbitrairement. Les autorités n’ont pas rendu publics les noms des individus qui ont bénéficié de l’extinction de l’action publique ou de l’amnistie.

L’Ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit l’impunité généralisée pour les membres des forces de sécurité. L’article 45 exclut toute poursuite en Algérie de membres des forces de sécurité : «Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire. Toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente(10).»

Ces dispositions indiquent que les plaintes contre les membres des forces de sécurité ne seront pas recevables, quelle que soit la gravité des crimes qu’ils auraient commis. Par ailleurs, l’ordonnance ne précise pas la période d’application de cette mesure, ce qui fait craindre que l’ordonnance ne serve à accorder l’impunité par anticipation aux membres des forces de sécurité pour des crimes commis après son adoption. Cette inquiétude est aggravée par les dispositions de l’article 46, qui punit toute critique publique de la conduite des agents de l’État d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, doublée en cas de récidive. Cet article constitue une menace directe pour quiconque veut dénoncer publiquement des atteintes aux droits humains ou susciter un débat à leur propos, et il risque de dissuader les victimes de violations et leurs familles de déposer des plaintes même en cas de violations persistantes de leurs droits humains. L’organisation craint que l’application des dispositions des articles 45 et 46 ne constitue de facto une abrogation des engagements qui obligent l’Algérie, aux termes du droit international, à ouvrir des enquêtes sur les violations des droits humains et à sanctionner les responsables de tels agissements, privant ainsi les victimes et leurs familles de voies de recours efficaces.{mospagebreak}

La persistance de la violence

Les autorités n’ont pas publié de statistiques sur le nombre de personnes tuées en Algérie depuis 1992. Elles ont récemment reconnu que les chiffres officiels fournis au plus fort des violences sous-estimaient délibérément l’ampleur des massacres(11). Durant la campagne pour le référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, les autorités ont révisé à la hausse le chiffre officiel des personnes tuées dans le cadre du conflit pour le porter à 200 000. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a reconnu, en mars 2006, qu’environ 1 000 personnes avaient été tuées en 1998 dans une seule attaque contre des civils à Ramka, non loin de Relizane, dans l’ouest du pays ; à l’époque, les autorités avaient affirmé que le nombre des victimes ne dépassait pas 150(12).

Selon des informations sur les homicides publiées par les médias algériens, le niveau de violence a régulièrement diminué ces dernières années. Toutefois, ces informations proviennent exclusivement des services de sécurité et ne peuvent être vérifiées auprès de sources indépendantes. En 2005, la presse a signalé quelque 400 homicides liés à la persistance des violences ; plusieurs dizaines de victimes étaient des civils. Environ 140 personnes, dont 60 civils, auraient été tuées au cours des quatre premiers mois de 2006. Ces homicides sont perpétrés par des membres de groupes armés lors d’attaques contre des cibles militaires ; par ailleurs, les forces de sécurité continuent de mener des opérations et de tuer des membres présumés actifs de groupes armés.

Selon des chiffres officiels publiés en mars 2006, quelque 800 membres des groupes armés seraient toujours en activité(13). Les chiffres officiels ont varié entre 400 et 800 au cours des cinq dernières années, sans indication nette permettant de savoir dans quel sens ce nombre évolue. Les lois d’amnistie, qui prévoient l’exemption des poursuites pour les membres des groupes armés qui se livrent aux autorités dans le délai de six mois à compter de leur promulgation, n’ont apparemment pas entraîné jusqu’à présent une diminution importante du nombre de membres de ces groupes.

La plupart des factions armées restantes appartiendraient au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), considéré comme le principal groupe armé toujours actif en Algérie. Le GSPC serait également le seul groupe qui aurait toujours pour objectif politique de renverser le gouvernement. Il n’est toutefois pas possible d’entrer en contact avec ses chefs ni de vérifier l’authenticité des déclarations publiées, par exemple, sur son site Internet.

Des observateurs ont souligné que des membres du GSPC et d’autres factions armées se livraient à des activités délictueuses, comme la contrebande, le racket et le blanchiment d’argent(14). Les médias algériens présentent souvent les violences comme des actes de «terrorisme», qu’elles soient ou non liées à ces activités contraires à la loi, comme dans le cas récent du meurtre de 13 douaniers dans le sud du pays(15). Dans la plupart des cas d’homicides qui sont signalés, il est impossible de connaître la motivation des violences.

Malgré les efforts actuels en faveur de la «réconciliation nationale», les autorités algériennes ont exprimé la ferme intention de poursuivre leur campagne militaire pour éliminer les factions armées qui refusent de se rendre aux conditions définies par les lois d’amnistie, ainsi que leurs sympathisants(16). Ces opérations s’accompagnent d’arrestations de membres et sympathisants présumés de groupes armés. Selon des informations parues dans la presse, plus d’une centaine de personnes soupçonnées d’activités terroristes ont été arrêtées au cours des cinq premiers mois de 2006. Il est évident que ce genre d’arrestations se poursuivra, étant donné la persistance des violences. À moins que des garanties efficaces ne soient mises en place, les personnes détenues par le DRS risqueront toujours d’être torturées ou maltraitées.

Le DRS : un organisme au-dessus des lois

Les recherches d’Amnesty International ont montré que les atteintes aux droits des personnes arrêtées et détenues par des agents du DRS présentaient des modalités particulières. Les cas les plus graves portés à la connaissance de l’organisation concernaient des personnes soupçonnées d’activités terroristes et arrêtées ou détenues par le DRS pour cette raison. Les suspects sont généralement détenus dans des lieux tenus secrets, sans aucun contact avec l’extérieur, et des informations persistantes font état d’actes de torture et de mauvais traitements. Amnesty International s’inquiète de ce que les arrestations et les placements en détention par des agents du DRS violent systématiquement les garanties et procédures instaurées par la législation algérienne et le droit international pour protéger les détenus contre les atteintes à leurs droits fondamentaux.

Bien que les allégations de coups, d’intimidation et d’autres formes de mauvais traitements restent fréquentes, l’organisation reçoit moins d’informations faisant état de recours à la torture contre les personnes détenues par la police et la gendarmerie. Selon des avocats algériens, les policiers et les gendarmes respectent de plus en plus certaines garanties prévues par la législation algérienne et par le droit international. C’est ainsi que, dans certains cas, des détenus ont affirmé qu’on les avait informés de leurs droits après leur interpellation. Par ailleurs, les personnes placées en garde à vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ont plus souvent la possibilité d’entrer en contact avec leur famille.

Le fait que les pratiques du DRS n’aient pas connu la même amélioration donne à penser que ce service continue à jouir de pouvoirs spéciaux qui s’opposent à ce que les procédures légales soient exécutoires. Par conséquent, bien qu’on signale moins d’arrestations par des agents du DRS qu’au plus fort des violences, elles se caractérisent toujours par l’absence de garanties qui a permis le recours systématique à la torture dans les années 90 et a favorisé des milliers de cas de «disparition».

Le DRS comme police antiterroriste

Les officiers et les agents du DRS sont des militaires et, à ce titre, ils agissent sous les ordres du commandant en chef de l’armée et du ministère de la Défense nationale. Hormis la période de 1990 à 1993, les présidents algériens, y compris le président actuel Abdelaziz Bouteflika, ont également exercé les fonctions de ministre de la Défense.

La législation algérienne prévoit que les agents du DRS peuvent exercer des fonctions de police judiciaire qui sont normalement du ressort de la police et de la gendarmerie. Les officiers de police judiciaire sont habilités à ouvrir des enquêtes de police, à arrêter des suspects et à les détenir aux fins d’interrogatoire pendant la durée autorisée pour la garde à vue, jusqu’à ce qu’ils soient inculpés ou remis en liberté. La garde à vue, limitée à quarante-huit heures dans les affaires de droit commun, peut être prolongée jusqu’à douze jours en cas d’activités terroristes présumées (voir plus loin : La durée excessive de la garde à vue)

Selon la loi, les officiers de la sécurité militaire habilités à exercer ces fonctions doivent être nommés par arrêté conjoint du ministère de la Défense nationale et du ministère de la Justice(17). Toutefois, aucun arrêté de ce type concernant les officiers du DRS n’a été publié au Journal officiel depuis la création de ce service en 1990.

Les recherches d’Amnesty International révèlent que le DRS joue un rôle capital dans les enquêtes sur les cas d’activités terroristes présumées. Dans ce contexte, soit ce sont des agents du DRS qui procèdent à l’arrestation, soit les suspects sont transférés à ce service dans les jours qui suivent leur interpellation. L’organisation a sollicité du ministère de la Justice des éclaircissements sur le rôle du DRS dans l’arrestation et la détention de suspects. Lors d’un entretien en 2005, des responsables du ministère ont affirmé que la grande majorité des affaires de terrorisme étaient traitées par la police, mais Amnesty International ne dispose d’aucun élément de nature à confirmer cette assertion.

Ces dernières années, les placements en détention liés à des affaires de terrorisme semblent de plus en plus concentrés dans la capitale, Alger. Selon les récits que font généralement les personnes concernées, les détentions et les interrogatoires auraient lieu dans le centre Antar, une caserne qui aurait été l’un des principaux centres de commandement du DRS dans les années 90. Les suspects arrêtés dans d’autres régions du pays sont le plus souvent transférés à Antar dans les jours qui suivent leur interpellation, avant d’être présentés à un procureur et à un juge du tribunal d’Alger.


L’absence de contrôle et d’obligation de rendre des comptes

La police judiciaire, y compris les militaires habilités à exercer de telles fonctions, est placée sous le contrôle du procureur général(18). Toutefois, les recherches de l’organisation donnent à penser que les agents du DRS agissent, dans les faits, hors de tout contrôle du procureur ou d’une autre autorité civile.

Contrairement à ce qui se passe lorsque la police ou la gendarmerie effectue des arrestations, les procureurs ne sont apparemment pas informés des arrestations effectuées par le DRS et ne visitent pas les casernes qui servent de locaux de garde à vue. Par conséquent, selon toute apparence, aucune institution civile ne contrôle les procédures d’arrestation et de détention du DRS pour veiller à ce qu’elles soient conformes aux dispositions des lois algériennes visant à protéger les détenus contre la torture et la détention secrète (voir plus loin : Les centres secrets de détention, Les examens médicaux). Au vu de ces manquements, les amendements récents et à venir du Code de procédure pénale, qui peuvent contribuer à améliorer la protection des détenus en général, sont insuffisants pour garantir une meilleure protection aux personnes détenues par le DRS.

Les agents du DRS semblent bénéficier systématiquement de l’impunité. Aucune enquête ne semble avoir été effectuée dans les cas où des familles, des avocats ou des détenus ont adressé des plaintes au procureur au sujet de violations commises par des agents du DRS lors de l’arrestation ou au cours de la détention. Ces plaintes font état d’infractions réprimées par la législation algérienne : torture, détention arbitraire, ou non-dénonciation à ses supérieurs d’un cas de détention arbitraire ou illégale.

Ces dernières années, les autorités algériennes ont fourni des informations limitées sur un petit nombre de cas dans lesquels des policiers ou des gendarmes ont fait l’objet d’enquêtes pour des violations des droits humains, notamment des actes de torture ; toutefois, à la connaissance d’Amnesty International, aucun d’entre eux n’a été poursuivi en vertu des nouvelles dispositions sur la torture introduites en 2004 dans le Code pénal. Certes, il s’agit là d’une modification positive, mais l’organisation déplore que ces dispositions ne semblent pas avoir été mises en application. Étant donné le secret persistant qui entoure les opérations du DRS et les pouvoirs considérables dont ce service jouit dans la pratique, il semble peu probable que ces dispositions soient prochainement utilisées pour engager des poursuites contre des agents du DRS.{mospagebreak}

L’arrestation et la détention

En menant des enquêtes sur les arrestations effectuées par le DRS dans des affaires de terrorisme, Amnesty International a relevé des éléments récurrents démontrant des violations graves de la législation algérienne et du droit international, qui renforcent le risque de torture et de mauvais traitements encouru par les détenus.

Les violations des procédures régissant les arrestations

Dans la plupart des cas, les arrestations seraient effectuées par des agents du DRS en civil qui ne s’identifient pas et se déplacent à bord de véhicules banalisés. Ils n’informent pas les suspects ni leurs proches des raisons de l’interpellation. Après leur placement en détention, les détenus ne sont pas informés de leur droit de prendre contact immédiatement avec leur famille ou de subir un examen médical à la fin de la garde à vue. Le DRS n’informe généralement pas les familles des personnes arrêtées du placement en détention de leurs proches, ne signale pas les cas où des détenus leur sont remis et ne communique pas de précisions sur leur lieu de détention. Aussi longtemps que leurs proches sont détenus par le DRS, les familles ne peuvent pas entrer en contact avec eux ni leur rendre visite.

Ces pratiques violent les garanties contre la détention arbitraire ou secrète et contre la torture et les mauvais traitements énoncées par la législation algérienne et le droit international. L’article 51 bis du Code de procédure pénale prévoit que les fonctionnaires qui procèdent aux arrestations doivent, durant la garde à vue, informer de ses droits tout individu placé en détention. L’article 51 bis 1 dispose que les personnes placées en garde à vue doivent pouvoir entrer en contact avec leur famille sans délai et recevoir la visite de leurs proches.

Des garanties similaires sont énoncées par le droit international. Le principe 13 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement (Ensemble de principes), adopté en 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies, prévoit que toute personne interpellée se verra fournir sans délai par les autorités responsables de l’arrestation «des explications au sujet de ses droits ainsi que de la manière dont elle peut les faire valoir».

Le principe 16-1 dispose en outre :
«Dans les plus brefs délais après l’arrestation et après chaque transfert d’un lieu de détention ou d’emprisonnement à un autre, la personne détenue ou emprisonnée pourra aviser ou requérir l’autorité compétente d’aviser les membres de sa famille ou, s’il y a lieu, d’autres personnes de son choix, de son arrestation, de sa détention ou de son emprisonnement, ou de son transfert et du lieu où elle est détenue.»

Aux termes du droit international, les détenus doivent avoir accès à un avocat immédiatement après leur arrestation ; cette garantie n’est pas prévue par la législation algérienne. Étant donné la durée prolongée de la garde à vue dans les affaires de terrorisme, l’impossibilité de consulter un avocat durant cette période constitue une violation des obligations de l’Algérie découlant du droit international et renforce le risque de torture et de mauvais traitements (voir plus loin : L’absence de contact avec le monde extérieur).

La législation algérienne ne prévoit pas expressément que les fonctionnaires chargés de l’arrestation s’identifient ni qu’ils informent une personne des raisons de son interpellation. À cet égard, la législation algérienne n’est pas conforme au droit international. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Algérie a ratifié, dispose en son article 9-2 : «Tout individu sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.» Le principe 12 de l’Ensemble de principes prévoit que les détenus doivent être informés, entre autres, des motifs de leur arrestation et de l’identité des responsables de l’application des lois concernés.{mospagebreak}L’absence de notification aux autorités civiles

Des familles et des avocats qui ont pris contact avec le parquet alors que des personnes étaient détenues par le DRS affirment qu’ils n’ont pas pu obtenir une confirmation officielle de leur placement en détention. Ils ajoutent que le parquet ne les a pas informés du motif de l’arrestation ni du lieu de détention de ces personnes.

Par exemple, la famille de Mohamed Harizi a déposé une plainte auprès du procureur au lendemain de son arrestation, à la fin de 2002, mais elle est restée sans nouvelles de lui pendant plus de deux ans.

Cet homme, né en 1974, avait quitté l’Algérie en 1992 pour se rendre en Bosnie-Herzégovine puis dans des camps d’entraînement au Pakistan, avant de combattre aux côtés des talibans en Afghanistan. Il est rentré de son plein gré en Algérie en août 2002, sans aucun problème dans un premier temps.
Mohamed Harizi a été arrêté le 15 décembre 2002 au domicile familial de Mahdia (wilaya de Tiaret). Selon sa famille, des membres des forces de sécurité ont fait irruption dans la maison à 23 h 30 sans s’identifier ni présenter de mandat. Le lendemain, la famille de Mohamed Harizi a déposé une plainte auprès du procureur dans laquelle elle demandait qui l’avait arrêté et les raisons de son interpellation ; elle sollicitait également l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de l’arrestation. Selon les informations dont dispose Amnesty International, aucune enquête n’a été ordonnée ni effectuée à la suite de cette plainte. Quand Mohamed Harizi a été présenté aux autorités judiciaires au début de 2005, sa famille n’avait toujours pas été informée du service de sécurité qui l’avait arrêté ni des motifs de son interpellation et elle ignorait son lieu de détention.

Mohamed Harizi a été maintenu en détention secrète dans la caserne Antar, à Alger – dont une partie est utilisée par le DRS comme centre de détention – pendant deux ans et quarante-six jours, sans inculpation ni jugement. Il affirme que des agents du DRS lui ont infligé des décharges électriques et l’ont soumis à la méthode du chiffon (décrite au chapitre 4, La torture et les mauvais traitements) pendant les premiers mois de son incarcération. Avant d’être présenté à un tribunal, il a été contraint de signer une déclaration affirmant qu’il avait été traité humainement et n’avait subi aucune forme de mauvais traitements. Mohamed Harizi a été jugé et condamné pour des actes de terrorisme ; il a été remis en liberté le 3 mars 2006 et informé de l’extinction de l’action publique à son encontre dans le cadre des mesures de «réconciliation nationale».

Les familles ne parviennent donc généralement pas à obtenir des informations auprès du parquet, ce qui donne à penser que les autorités judiciaires ne sont pas systématiquement tenues au courant des arrestations effectuées par des agents du DRS ou qu’elles hésitent à fournir des informations à leur propos. Il semble donc que le procureur ne contrôle pas véritablement la détention dans les affaires de terrorisme, alors que la loi l’exige. L’article 51 du Code de procédure pénale dispose que, lorsqu’une personne est placée en garde à vue, l’officier de police judiciaire est tenu d’informer immédiatement le procureur de la République et de lui adresser un procès-verbal indiquant les motifs de la détention. Qui plus est, l’article 51 prévoit que tout maintien en détention sans inculpation au-delà de quatre jours doit être autorisé par écrit par le procureur. Toutefois, dans les faits, le DRS détient régulièrement les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme pendant douze jours, voire plus longtemps, manifestement sans autorisation du procureur. Aux termes de l’article 51, ces violations constituent une détention arbitraire, ce qui expose l’auteur de ces faits aux peines encourues en la matière.

L’article 9-1 du PIDCP dispose que les arrestations ne peuvent avoir lieu «si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi». Le fait de détenir des personnes sans révéler le lieu où elles se trouvent constitue une violation de l’article 10 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui dispose :
«Des informations exactes sur la détention [des] personnes et sur le lieu où elles se trouvent, y compris sur leur transfert éventuel, sont rapidement communiquées aux membres de leur famille, à leur avocat ou à toute personne légitimement fondée à connaître ces informations, sauf volonté contraire manifestée par les personnes privées de liberté.»{mospagebreak}La détention prolongée sans inculpation

Aux termes de la législation algérienne, les personnes soupçonnées d’activités terroristes peuvent être maintenues en détention pendant de longues périodes sans inculpation et sans la possibilité de consulter un avocat. Qui plus est, les durées maximales de garde à vue fixées par la loi sont souvent violées par le DRS.


La durée excessive de la garde à vue

Aux termes de l’article 51 du Code de procédure pénale, la police judiciaire peut maintenir des suspects en détention pendant quarante-huit heures au maximum avant qu’ils ne soient inculpés ou remis en liberté. Ce délai est toutefois porté à quatre jours «lorsqu’il s’agit d’atteinte à la sûreté de l’État» ; il peut être prorogé jusqu’à douze jours, sur autorisation écrite du procureur, «lorsqu’il s’agit de crimes qualifiés d’actes terroristes ou subversifs»

Le délai de douze jours est l’une des mesures figurant dans la législation d’exception de 1992 qui ont été incorporées dans le Code pénal en 1995. Ainsi que nous l’indiquons plus loin, le délai de douze jours sans réexamen par une autorité judiciaire du bien-fondé de la détention est excessif et constitue une violation du droit international. La durée de ce délai est d’autant plus préoccupante que la législation algérienne n’autorise pas les détenus à consulter un avocat pendant la garde à vue.

L’article 9-3 du PIDCP prévoit que toute personne arrêtée ou détenue pour une infraction pénale doit être présentée «dans le plus court délai» à une autorité judiciaire. L’article 9-4 garantit le droit de quiconque «se trouve privé de liberté par arrestation ou détention […] d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale». Le Comité des droits de l’homme des Nations unies précise que ce droit s’applique en toutes circonstances, y compris dans les situations d’urgence(19), et que le délai dans lequel une personne arrêtée ou détenue doit être présentée à un juge ou à une autre autorité habilitée par la loi à exercer les fonctions judiciaires ne doit pas dépasser quelques jours(20). Le rapporteur spécial sur la torture a déclaré que «les prévenus ne devraient être placés dans des centres de détention relevant de la responsabilité des fonctionnaires chargés de les interroger ou d’enquêter à leur sujet que dans l’attente de l’établissement d’un mandat de détention provisoire dont la durée a été fixée par la loi à 48 heures maximum(21)».

Les garanties prévues par la législation algérienne pour protéger les détenus qui n’ont pas été inculpés n’étant généralement pas respectées par le DRS (voir plus loin chapitre 3 : L’absence de contact avec le monde extérieur), la sécurité physique de ceux-ci est en grand danger du fait de la durée maximale excessive de la garde à vue. Amnesty International a reçu des informations faisant état de torture et de mauvais traitements infligés aux prisonniers pendant les douze premiers jours de leur détention (voir plus loin, par exemple, le cas d’Amar Saker).

Les violations des délais légaux

Par ailleurs, alors que la durée limite de la garde à vue semble généralement respectée dans les affaires de droit commun, des suspects sont détenus par le DRS au-delà de douze jours. Amnesty International a reçu des informations portant sur des cas dans lesquels la date officielle d’arrestation était différente de celle indiquée par le détenu ou ses proches, vraisemblablement pour dissimuler le fait que la durée légale de garde à vue avait été dépassée d’un jour ou deux. Toutefois, dans certains cas, la garde à vue s’est prolongée plusieurs mois au-delà de la durée légale, et dans un cas elle a même duré deux ans et trente-quatre jours. Cette violation grave de la législation algérienne constitue une détention arbitraire passible de poursuites aux termes de l’article 51 du Code de procédure pénale et des articles 107 et 291 du Code pénal.

Dans son mémorandum au président algérien, l’organisation a évoqué six cas récents dans lesquels la durée légale de la garde à vue a été dépassée de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans quatre d’entre eux, notamment ceux de M’hamed Benyamina (voir plus loin) et de Mohamed Harizi, maintenu en détention, secrète pendant plus de deux ans (voir plus haut), les détenus ont été officiellement assignés à résidence par le ministère de l’Intérieur.

L’assignation à résidence, qui dispose qu’un individu doit rester dans un lieu précis, est censée être une alternative à l’incarcération. Toutefois, les ordres d’assignation à résidence indiquent seulement que la personne n’est pas autorisée à quitter la wilaya d’Alger sans préciser l’adresse à laquelle elle doit résider ni la durée de la mesure. Dans tous les cas portés à la connaissance d’Amnesty International, les personnes concernées étaient déjà détenues dans des casernes du service de renseignement de l’armée ; il semble donc que cette mesure servait à dissimuler les infractions graves du DRS à la législation algérienne et au droit international.{mospagebreak}

Les assignations à résidence sont prononcées en vertu des pouvoirs spéciaux conférés au ministre de l’Intérieur dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992. L’article 6-4 du décret portant instauration de l’état d’urgence(22) autorise le ministre de l’Intérieur à assigner à résidence des individus dont l’activité est considérée comme «nuisible à l’ordre public». Le décret ne contient aucun détail relatif à l’application pratique de cette mesure.

Amnesty International considère que ces pouvoirs très étendus, et qui excluent tout réexamen judiciaire, sont contraires aux garanties prévues par la législation algérienne pour protéger les individus contre la détention arbitraire et portent atteinte au droit à la liberté énoncé à l’article 9-1 du PIDCP, lequel prohibe l’arrestation et la détention arbitraires. Qui plus est, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déclaré :
«Le recours à "l’internement administratif" au titre d’une législation relative à la sécurité publique […] lorsqu’il se traduit par une privation de liberté pour une durée illimitée ou pendant des périodes très prolongées sans contrôle juridictionnel effectif, et lorsqu’il sert à placer en détention des personnes soupçonnées de participation à des activités terroristes ou d’autres crimes, n’est pas compatible avec le droit international relatif aux droits de l’homme(23).»

Amnesty International déplore que la loi sur l’état d’urgence, qui devrait être une mesure temporaire, ait été prorogée en 1993 et n’ait pas été réexaminée depuis cette date. L’article 4 du PIDCP autorise la proclamation de l’état d’urgence quand «un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation». Toutefois, le Comité des droits de l’homme s’est exprimé en ces termes : «Une condition fondamentale à remplir concernant toutes mesures […] telles qu’énoncées au paragraphe 1 de l’article 4, est que ces dérogations ne soient permises que dans la stricte mesure où la situation l’exige. Cette condition vise la durée, l’étendue géographique et la portée matérielle de l’état d’urgence et de toute dérogation appliquée par l’État du fait de l’état d’urgence.» Il est donc essentiel que l’état d’urgence soit limité et que les mesures prises soient en rapport avec la gravité de la situation. Le Comité des droits de l’homme ajoute : «L’interdiction […] des détentions non reconnues n’est pas susceptible de dérogation. Le caractère absolu de cette interdiction, même dans une situation d’exception, est justifié par son rang de norme du droit international général(24).»

L’absence de contact avec le monde extérieur

Le contact avec le monde extérieur est une garantie importante pour la protection des droits de tous les détenus. Le droit des détenus de communiquer avec leur famille et de recevoir des visites familiales, ainsi que le droit de subir un examen médical à la fin de la garde à vue légale, sont garantis par l’article 51 bis 1 du Code de procédure pénale

Toutefois, dans les faits, les suspects détenus par le DRS sont généralement privés de contacts avec le monde extérieur et maintenus au secret. Ils ne peuvent entrer en rapport avec leur famille, ni consulter un avocat, ni recevoir des soins médicaux, même dans les cas où la garde à vue est prolongée en violation de la législation algérienne et du droit international. Par ailleurs, la législation algérienne n’autorise pas les personnes en garde à vue à consulter un avocat. Les individus soupçonnés d’activités terroristes pouvant être légalement maintenus en garde à vue pendant douze jours avant d’être inculpés ou libérés, l’impossibilité de consulter un avocat constitue une violation du droit international (voir plus loin : L’impossibilité de consulter un avocat).

Le principe 19 de l’Ensemble de principes prévoit que «toute personne détenue ou emprisonnée a le droit de recevoir des visites, en particulier de membres de sa famille, et de correspondre, en particulier avec eux, et elle doit disposer de possibilités adéquates de communiquer avec le monde extérieur, sous réserve des conditions et restrictions raisonnables que peuvent spécifier la loi ou les règlements pris conformément à la loi». Selon le principe 15, «la communication de la personne détenue ou emprisonnée avec le monde extérieur, en particulier avec sa famille ou son conseil, ne peut être refusée pendant plus de quelques jours».

Les restrictions et les retards dans les rapports avec le monde extérieur ne sont autorisés que dans des circonstances très exceptionnelles et pour de courtes périodes. Dans son Observation générale n° 20 sur l’article 7 du PIDCP, le Comité des droits de l’homme des Nations unies précise que les détenus doivent avoir «rapidement et régulièrement accès à des médecins et des avocats et, sous surveillance appropriée lorsque l’enquête l’exige, aux membres de [leur] famille». Le principe 7 des Principes de base sur le rôle du barreau prévoit que «toute personne arrêtée ou détenue, qu’elle fasse ou non l’objet d’une inculpation pénale, pourra communiquer promptement avec un avocat et en tout cas dans un délai de quarante-huit heures à compter de son arrestation ou de sa mise en détention».{mospagebreak}

Le rapporteur spécial sur la torture a souligné que l’accès à un avocat dans le délai de vingt-quatre heures était une garantie essentielle contre la torture. Il a régulièrement réclamé l’interdiction absolue de la détention au secret, pendant laquelle les détenus risquent le plus d’être torturés et maltraités, et a déclaré : «C’est pendant la détention au secret que la torture est le plus souvent pratiquée. Ce type de détention devrait donc être interdit et les personnes détenues au secret devraient être immédiatement libérées(25).»

Lors de sa 61e session en 2005, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a rappelé qu’une «période prolongée de détention secrète ou au secret peut faciliter la pratique de la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et peut en soi constituer un tel traitement(26)».

Les centres secrets de détention

Les individus soupçonnés d’activités terroristes sont généralement détenus dans des lieux qui ne sont pas des centres de détention reconnus. Dans tous les cas portés à la connaissance d’Amnesty International ces dernières années, les détenus ont indiqué qu’ils avaient été détenus, la plupart du temps, dans des casernes du DRS. Selon les informations dont dispose l’organisation, plusieurs de ces locaux sont toujours utilisés par le DRS pour détenir des personnes qui n’ont pas été inculpées. Toutefois, la plupart de ceux qui sont détenus plus de quelques jours sont généralement emprisonnés, ou transférés, dans la caserne Antar, dans le quartier de Hydra, à Alger(27). Celle-ci, située dans un endroit boisé, est dissimulée à la vue du public et inaccessible.

Les détenus sont le plus souvent transportés dans des voitures banalisées. À l’approche de la caserne, les agents du DRS les obligeraient à s’allonger ou à se baisser pour les empêcher de voir leur lieu de détention. Les mêmes mesures sont prises lors des transferts. Un ancien détenu qui s’est entretenu avec des représentants d’Amnesty International a affirmé qu’on lui avait bandé les yeux avec un tuyau en caoutchouc durant son transport jusqu’à la caserne et lors des transferts entre sa cellule et la salle d’interrogatoire. Plusieurs détenus ont précisé qu’ils ignoraient où ils étaient détenus et que ceux qui les interrogeaient ne leur avaient jamais donné cette information, même lorsqu’ils étaient détenus pendant plusieurs mois.

Les familles des détenus ne sont pas informées du lieu de détention de leurs proches. Elles ignorent généralement où ceux-ci sont incarcérés et, lorsqu’elles s’adressent à la police ou à la gendarmerie, on leur répond que leur proche n’est pas détenu, ou que son lieu de détention est inconnu, voire qu’il est détenu par le DRS, sans autre précision. Dans aucun des cas connus d’Amnesty International, les autorités judiciaires ou les membres de la police ou de la gendarmerie n’ont dirigé les familles vers la caserne Antar où leurs proches étaient détenus.

Dans les rares cas où des personnes étaient détenues dans des casernes du DRS en dehors d’Alger, des familles se sont rendues sur place où des agents du DRS leur ont confirmé oralement la détention de leurs proches. Ceci ne constitue toutefois pas une reconnaissance officielle de la détention ; l’organisation n’a connaissance d’aucun cas dans lequel une famille a pu communiquer avec un proche détenu dans les locaux du DRS ou lui rendre visite. Ces détenus sont donc maintenus dans un lieu de détention non officiellement reconnu et privés de tout contact avec le monde extérieur, en violation des normes du droit international.

L’article 52 du Code de procédure pénale prévoit que le procureur peut inspecter à tout moment tous les locaux de garde à vue pour veiller au respect des garanties prévues par la législation algérienne. À la connaissance d’Amnesty International, ces visites n’ont jamais lieu dans les casernes du DRS utilisées comme centres de détention. Lors de leur entretien avec les délégués de l’organisation en mai 2005, les représentants du ministère de la Justice ont affirmé que les procureurs pouvaient inspecter tous les centres de détention conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, y compris ceux utilisés par le DRS. Ils n’ont toutefois pas été en mesure de fournir des détails concrets démontrant que ces visites avaient lieu dans les casernes du DRS.

Différents éléments indiquent que les casernes du DRS ne sont pas des centres de détention officiellement reconnus. Par exemple, le lieu de détention ne figure jamais sur les procès-verbaux d’interrogatoire dressés par les agents du DRS. Le Code de procédure pénale mentionne uniquement les postes de la police et de la gendarmerie comme locaux de garde à vue(28). Malgré des demandes répétées aux autorités, Amnesty International ne dispose pas d’une liste de tous les lieux de détention officiellement reconnus.

Lors de leur dernière mission, les délégués de l’organisation ont demandé au ministère de la Justice quels étaient les lieux de détention actuellement utilisés par le DRS ; ils n’ont pas reçu de réponse. Des responsables du ministère de la Justice ont affirmé que les casernes ne relevaient pas de leur responsabilité, mais de celle du ministère de la Défense nationale. Ils ont toutefois assuré aux délégués d’Amnesty International que le procureur de la République pouvait visiter tous les locaux de garde à vue.

Les témoignages d’anciens détenus dans les casernes du DRS donnent à penser que le procureur n’y effectue aucune visite d’inspection. Des avocats spécialisés dans la défense des droits humains ont déclaré à Amnesty International qu’à leur connaissance, aucun procureur n’avait jamais visité les casernes du DRS. L’organisation estime que ces locaux sont effectivement des centres de détention secrets où les détenus ne bénéficient pas de la protection qui leur est accordée par la législation algérienne et le droit international. Selon certaines sources, des lieux de détention secrets en Algérie ont probablement été utilisés pour incarcérer des individus soupçonnés d’activités terroristes au niveau international et victimes de «restitution(29)».

Le maintien au secret, sans contact avec le monde extérieur, prive les détenus de la protection de la loi et de garanties importantes et les expose à la torture et aux mauvais traitements. Les normes internationales relatives aux droits humains prévoient que la détention ne doit être autorisée que dans des lieux officiellement reconnus, à l’exclusion de tout autre lieu. L’article 10-1 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée en 1992 par l’Assemblée générale des Nations unies, dispose : «Toute personne privée de liberté doit être gardée dans des lieux de détention officiellement reconnus».

Et, pour citer le rapporteur spécial sur la torture : «les législations devraient supprimer les lieux de détention secrets. Le fait pour un fonctionnaire quelconque de retenir une personne dans un lieu de détention secret et/ou illégal devrait être un délit passible de sanctions. Toute déposition obtenue d’un détenu dans un lieu de détention illégal et qui ne serait pas confirmée par le détenu lors de son interrogatoire dans un lieu officiel devrait être déclarée irrecevable par les tribunaux(30)».{mospagebreak}

L’utilisation persistante de centres de détention secrets est particulièrement préoccupante dans un pays tel l’Algérie où des milliers de personnes ont «disparu» après avoir été détenues dans des centres secrets dans les années 90, sans que leur sort ait été élucidé. Le Comité des droits de l’homme a conclu en avril 2006 dans le cas de Salah Saker, enseignant et ancien membre du FIS, originaire de Constantine, dans l’est du pays, que l’Algérie avait violé plusieurs dispositions du PIDCP en ne protégeant pas la vie de cet homme, en ne veillant pas à ce qu’il ne soit pas victime d’arrestation arbitraire, de torture ou de mauvais traitements, et en le privant de la possibilité de comparaître devant un tribunal. Salah Saker a «disparu» en mai 1994 après avoir été arrêté à son domicile par des policiers. Suite à une plainte adressée au parquet, l’épouse de cet homme a été informée, en 1997, qu’il avait été transféré, environ un mois après son arrestation, au Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRI) de Constantine, dont certains locaux sont utilisés par le DRS comme centre de détention secret. On ignore tout du sort de Salah Saker et de l’endroit où il se trouve.

Les conditions de détention

Selon les témoignages d’anciens détenus, les installations d’Antar sont rudimentaires et sales. Les prisonniers sont enfermés dans des cellules minuscules et dépourvues d’aération et de lumière naturelle ; ils dorment à même le sol en ciment, parfois avec une couverture ou un simple matelas, et ne sont que rarement, voire pas du tout, autorisés à utiliser les toilettes et les douches.

Ces conditions de détention sont contraires aux dispositions de l’article 52 du Code de procédure pénale qui prévoit que les locaux de garde à vue doivent préserver le respect inhérent à la dignité de la personne humaine, conformément à l’article 10 du PIDCP.

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a rappelé que les conditions de détention incompatibles avec la dignité humaine pouvaient violer le droit à un procès équitable. Dans le rapport soumis en 2005 par ce groupe à la Commission des droits de l’homme, il est souligné que «la détention provisoire devient arbitraire dès lors que les conditions sont de nature à encourager le détenu à s’accuser lui-même, ou – pire – de nature à faire de la détention provisoire une forme de peine anticipée, en violation de la présomption d’innocence(31)».

5. La torture et les autres mauvais traitements

Les allégations de torture et de mauvais traitements

Le PIDCP et la Convention contre la torture, auxquels l’Algérie est partie, prohibent en toutes circonstances le recours à la torture et aux peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Amnesty International a recueilli des dizaines d’allégations de torture et de mauvais traitements infligés à des personnes soupçonnées d’activités terroristes et détenues par le DRS. Le nombre de cas signalés à l’organisation ne représente probablement qu’une partie des violations commises. Il est particulièrement difficile d’obtenir des informations sur des cas individuels étant donné le secret qui entoure le fonctionnement du DRS ; par ailleurs, les anciens détenus, qui continuent de craindre pour leur sécurité, hésitent souvent à s’exprimer.

Il est notamment fréquent que les anciens prisonniers déclarent avoir été détenus avec d’autres individus qui ont, eux aussi, été torturés et maltraités ; mais il est généralement impossible d’obtenir des informations détaillées sur ces cas. Qui plus est, la grande majorité des arrestations pour des actes de terrorisme ont lieu dans des régions rurales isolées auxquelles les défenseurs des droits humains n’ont pas accès. Les cas de suspects détenus puis relâchés sans inculpation ne sont pas connus des avocats, ceux-ci n’intervenant qu’après l’inculpation d’un suspect et l’ouverture d’une information judiciaire. Il est très important de souligner que les victimes de violations disent souvent avoir été menacées ou intimidées et ne souhaitent pas parler en détail de ce qu’elles ont subi par crainte de représailles, notamment contre leurs proches. Amnesty International a recueilli plusieurs témoignages de torture et de mauvais traitements dont les victimes ne souhaitaient pas qu’ils soient rendus publics. Les détenus libérés après avoir été torturés et maltraités déclarent craindre d’être de nouveau arrêtés ; quant à ceux qui sont jugés par la suite, ils espèrent souvent être condamnés à une peine moins lourde s’ils ne font pas état des traitements auxquels ils ont été soumis.

Des anciens prisonniers affirment avoir été torturés et maltraités pendant les interrogatoires dans la caserne Antar alors qu’ils étaient privés de tout contact avec le monde extérieur. La durée de leur détention à Antar allait de quelques jours à plusieurs mois, et, dans un cas, elle a dépassé deux ans La plupart des détenus se sont plaints d’avoir été torturés pendant les premiers jours, semaines ou mois de leur détention.

Les méthodes le plus fréquemment décrites sont les coups, les décharges électriques, et le supplice dit du chiffon, qui consiste à attacher la victime à un banc et à la forcer à avaler de grandes quantités d’eau sale, d’urine ou de produits chimiques au moyen d’un morceau de tissu imbibé de ces substances et enfoncé dans sa bouche. Des détenus se sont également plaints d’avoir été déshabillés et humiliés, frappés sur la plante des pieds (falaka) ou suspendus pendant de longues périodes par les poignets jusqu’à ce qu’ils déclarent «se souvenir» de quelque chose. D’autres ont raconté qu’on les avait menacés d’arrêter des femmes de leur famille et de les violer.{mospagebreak}

Des détenus affirment qu’on les a torturés ou maltraités pour les contraindre à avouer qu’ils appartenaient à un groupe armé ou soutenaient ses activités ou qu’ils étaient liés à des Algériens établis à l’étranger ou à des réseaux terroristes internationaux. Dans certains cas, ceux qui les interrogeaient essayaient de leur faire avouer qu’ils connaissaient certains individus ou avaient participé à certaines activités ; dans d’autres cas, on leur demandait plus généralement de fournir des informations sur eux-mêmes et leurs propres activités ainsi que sur les personnes qu’ils connaissaient. Les interrogatoires étaient centrés sur les activités des groupes armés en Algérie ainsi que sur leurs liens présumés avec des Algériens vivant à l’étranger ou avec des membres de réseaux terroristes internationaux.

Presque tous les détenus qui ont été inculpés par la suite d’activités terroristes ont affirmé qu’avant de les présenter à un juge, on les avait forcés à signer des procès-verbaux d’interrogatoire, ou à y apposer leur empreinte digitale, sans les autoriser à les lire. Certains ont déclaré que, pour les contraindre à signer, on les avait menacés de continuer à les torturer, ou même de les exécuter ; d’autres indiquent qu’on les a torturés ou maltraités pour les obliger à signer. Dans certains cas, les détenus auraient reçu une copie du procès-verbal après l’avoir signé sous la contrainte et on les aurait menacés de les ramener à la caserne s’ils se rétractaient devant le tribunal.

Dans plusieurs cas, des avocats ont découvert, parmi les documents que les détenus avaient signés ou sur lesquels ils avaient apposé leur empreinte digitale avant d’être présentés à une autorité judiciaire, des déclarations selon lesquelles ils avaient été bien traités en détention et n’avaient été ni torturés ni maltraités. Cette procédure n’est pas prévue par la législation algérienne et des responsables du ministère de la Justice ont affirmé à Amnesty International qu’ils n’avaient pas connaissance d’une telle pratique. L’organisation craint que ces déclarations ne servent à dissimuler les violations imputables aux agents du DRS ou à exercer des pressions sur les détenus qui ont été victimes de torture ou de mauvais traitements en vue de les empêcher d’en faire état devant le tribunal.{mospagebreak}Les examens médicaux

Dans aucun cas porté à la connaissance d’Amnesty International, les détenus n’ont obtenu un examen médical indépendant durant leur garde à vue par le DRS. De même, aucun détenu se plaignant d’avoir été torturé n’a été examiné par un médecin légiste de son choix à la fin de sa détention par le DRS. Les certificats médicaux fournis par le DRS lors de la présentation des détenus à une autorité judiciaire ne sont qu’une simple formalité ; ils indiquent l’état de santé général du détenu et ne mentionnent jamais de traces de violence.

Il y a donc là violation du Code de procédure pénale qui reconnaît aux détenus, s’ils en font la demande, le droit d’être examinés par un médecin de leur choix à la fin de la garde à vue et d’être informés de ce droit(32). Dans la pratique, les personnes détenues par le DRS ne sont vraisemblablement pas informées de ce droit que, dans la plupart des cas, elles ignorent. Par ailleurs, l’article 52 permet au procureur de désigner un médecin pour examiner un détenu à tout moment de la garde à vue, soit d’office, soit à la demande du détenu ou de sa famille. Mais, ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, les procureurs ne visitent apparemment pas les centres de détention du DRS, et Amnesty International n’a connaissance d’aucun cas où le procureur aurait ordonné l’examen médical d’une personne détenue par le DRS.

Les normes internationales prévoient que les détenus ont le droit d’être examinés par un médecin, et, le cas échéant, de recevoir des soins médicaux. Le principe 24 de l’Ensemble de principes dispose : «Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d’emprisonnement ; par la suite, elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fera sentir. Ces soins et traitements seront gratuits.» Dans son Observation générale n° 20, le Comité des droits de l’homme fait observer que la protection des détenus exige qu’ils aient rapidement et régulièrement accès à des médecins(33).

Dans quelques cas exceptionnels, des détenus qui avaient été torturés auraient été transférés à l’hôpital militaire d’Aïn Naadja pour y recevoir des soins L’organisation déplore qu’aucune mention de lésions occasionnées par des actes de torture ne semble figurer dans les dossiers médicaux. Puisque l’hospitalisation résultait d’actes de torture et de mauvais traitements qui auraient été infligés au détenu, il est surprenant que ces faits ne soient pas mentionnés, particulièrement si la victime a pu décrire au médecin ce qu’elle a subi. Si ces allégations sont confirmées, de tels manquements aux obligations constituent des violations graves de l’éthique médicale.

Les risques encourus par les personnes renvoyées en Algérie

Un nombre croissant d’Algériens résidant à l’étranger sont renvoyés de force dans leur pays au motif qu’ils présentent un risque pour la sécurité d’un pays tiers. Certains d’entre eux, condamnés à l’étranger pour des infractions liées au terrorisme, auraient dû recouvrer la liberté après avoir purgé une peine d’emprisonnement. D’autres, incarcérés dans l’attente de leur expulsion, n’ont pas été condamnés pour leur participation supposée à des activités terroristes Des Algériens ont été renvoyés en Algérie contre leur gré par un certain nombre de pays, dont le Canada, l’Espagne, la France, l’Italie, la Malaisie et les Pays-Bas. Les informations faisant état de torture et d’autres violations graves des droits humains en Algérie ayant diminué, des gouvernements étrangers font valoir que les personnes expulsées ne risquent plus vraiment de subir de telles violations à leur retour. Avant de renvoyer des individus en Algérie, des gouvernements ont obtenu l’assurance des autorités algériennes que ceux-ci ne seraient ni torturés ni maltraités dans leur pays.

Amnesty International est profondément préoccupée par l’utilisation des «assurances diplomatiques» (ou «contacts diplomatiques») pour le renvoi d’étrangers considérés comme une menace pour la sécurité vers des pays où ils risquent d’être torturés ou maltraités(34). Tous les États ont l’obligation absolue de ne pas renvoyer une personne dans un pays où elle risque d’être torturée ou maltraitée (principe de non-refoulement). Cette obligation s’applique à tous les États sans exception et à toutes les formes de transfert non consenti. Elle ne souffre aucune exception quelles que soient les circonstances et la situation individuelle, par exemple les infractions commises ou le danger représenté par la personne renvoyée Les «assurances diplomatiques», les protocoles d’accord et la surveillance après le transfert ne peuvent dégager un État de son obligation de non-refoulement ni se substituer à l’obligation du pays destinataire d’instaurer et de mettre en application des garanties globales et efficaces contre la torture et les mauvais traitements, ainsi que l’exige le droit international.

Dans le cas de l’Algérie, l’organisation est particulièrement préoccupée par le fait que les autorités civiles n’exercent pratiquement aucun contrôle sur les activités du DRS. Les autorités judiciaires ferment régulièrement les yeux sur les allégations de sévices infligés par des agents du DRS (voir plus loin : La procédure judiciaire), leur conférant une impunité systématique, et elles ne visitent pas les centres de détention du DRS pour contrôler le traitement des détenus, malgré les dispositions légales à cet effet. Par conséquent, toutes les assurances données par les autorités civiles algériennes à des gouvernements étrangers selon lesquelles les personnes renvoyées en Algérie et risquant d’être arrêtées par le DRS ne seront ni torturées ni maltraitées doivent être sérieusement mises en doute.

Il est difficile de surveiller le traitement des détenus après leur renvoi en Algérie. Beaucoup n’ont guère envie de parler de ce qu’ils ont subi et on ignore donc le traitement qui leur a été infligé. Amnesty International a effectué des recherches sur un nombre limité de cas de personnes arrêtées à leur retour en Algérie et qui ont accepté de témoigner, directement ou par l’intermédiaire de leur avocat. La plupart ont été remises en liberté après avoir été détenues jusqu’à douze jours ; quelques-unes ont été maintenues en détention et jugées par la suite pour des infractions liées au terrorisme.

Ces hommes ont été détenus par le DRS dans un centre secret, sans aucun contact avec le monde extérieur, et ils ont été interrogés à propos de leurs liens avec des groupes armés locaux ou avec des Algériens ou des réseaux terroristes présumés à l’étranger.{mospagebreak}

Certaines des personnes renvoyées de force avaient été condamnées par défaut en Algérie pour des infractions liées au terrorisme. À leur arrivée, ils auraient dû être présentés au procureur afin de pouvoir interjeter appel de leur condamnation, et auraient dû être placés sous mandat de dépôt conformément au Code de procédure pénale. Toutefois, Amnesty International a appris que, dans certains cas, ils avaient été arrêtés directement par le DRS et maintenus en détention secrète avant d’être présentés au procureur et placés sous mandat de dépôt.

Les familles des personnes arrêtées par des agents du DRS à leur arrivée en Algérie ne réussissent généralement pas à obtenir d’informations de la police, de la gendarmerie ni des autorités judiciaires à propos du lieu de détention de leurs proches et des motifs de leur arrestation. Des familles n’ont même pas pu avoir la confirmation de l’arrestation de leurs proches. Des agents du DRS auraient procédé à des arrestations sur la piste de l’aéroport et transféré directement les détenus dans les casernes, sans informer la police des frontières de l’entrée du détenu en Algérie. Si le pays qui procédait à l’expulsion n’avait pas informé les proches ou avait délibérément gardé le secret sur cette expulsion, les familles ne pouvaient même pas savoir dans quel pays se trouvait leur proche jusqu’à ce que celui-ci soit libéré ou présenté à une autorité judiciaire.

L’organisation estime que toute personne remise au DRS risque fortement d’être torturée ou maltraitée. Le pays qui renvoie des Algériens alors qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils risquent d’être détenus par le DRS et torturés ou maltraités viole, ce faisant, l’interdiction du refoulement énoncée à l’article du PIDCP et à l’article 3 de la Convention contre la torture. Il porte de plus une part de responsabilité en ce qui concerne les actes de torture et mauvais traitements subis éventuellement par la personne renvoyée en Algérie, ou toute autre violation grave de ses droits fondamentaux.

Amnesty International est également préoccupée par des informations selon lesquelles, dans certains cas et par exemple dans celui de Mourad Ikhlef décrit plus loin, les personnes renvoyées en Algérie étaient accompagnées par des membres des services de sécurité du pays de départ et remis directement aux agents du DRS. Dans la mesure où ces fonctionnaires savaient, ou avaient des raisons de savoir, que les personnes détenues par le DRS risquaient d’être torturées ou maltraitées, leur responsabilité pénale pourrait être mise en cause.

Dans d’autres cas, des personnes rentrées volontairement dans leur pays, soit pour une visite, soit pour y vivre, ont été arrêtées à leur arrivée en Algérie ou par la suite. Les circonstances de certaines arrestations donnent à penser qu’elles ont eu lieu sur la base d’informations fournies par des services de sécurité étrangers, ou à la demande de ceux-ci, apparemment sans mandat d’arrêt décerné par les autorités judiciaires algériennes Amnesty International déplore que des gouvernements étrangers aient pu fournir des informations entraînant des arrestations tout en sachant que les personnes interpellées risquaient d’être torturées ou maltraitées. Le cas de M’hamed Benyamina illustre ces sujets de préoccupation{mospagebreak}

Les décrets présidentiels de «réconciliation nationale» promulgués en février 2006 renferment des dispositions explicites qui prévoient que les Algériens résidant à l’étranger et recherchés en Algérie pour des actes de terrorisme peuvent bénéficier de l’exemption des poursuites. Ces textes disposent également que les condamnations prononcées par défaut pour des actes de terrorisme peuvent être annulées ; les individus concernés ne feront pas l’objet de poursuites en Algérie s’ils se présentent volontairement aux autorités compétentes et déclarent mettre fin à leurs activités. Toutefois, le fait que des personnes ne sont plus recherchées par les autorités judiciaires ne garantit pas qu’elles ne risquent plus d’être arrêtées et détenues aux fins d’interrogatoire par le DRS, à leur retour en Algérie ou par la suite.

Ainsi que les recherches de l’organisation l’ont montré, les agents du DRS procèdent souvent à des arrestations sans que les autorités judiciaires en aient connaissance et sans en informer le procureur, comme l’exige pourtant la législation algérienne. Qui plus est, aucune institution civile ne contrôle effectivement les arrestations et les détentions imputables au DRS. En conséquence, Amnesty International estime que les individus soupçonnés de liens avec des groupes armés en Algérie, ou avec des réseaux terroristes présumés à l’étranger, risquent toujours d’être arrêtés et détenus par le DRS et torturés ou maltraités, qu’ils aient ou non bénéficié de l’extinction de l’action publique dans le cadre des mesures de «réconciliation nationale» et quelles que soient les assurances données par les autorités civiles.

Par ailleurs, l’organisation a reçu des informations concernant plusieurs cas de personnes rentrées en Algérie et de nouveau arrêtées après avoir été libérées aux termes des lois d’amnistie de 2006, apparemment sur la base d’informations émanant de gouvernements étrangers, selon lesquelles elles auraient participé à des activités terroristes à l’étranger. C’est notamment le cas de M’hamed Benyamina (voir plus haut) et de Mourad Ikhlef (voir plus loin). Le déroulement des remises en liberté et des arrestations ultérieures semble indiquer que les lois d’amnistie de 2006 sont appliquées de manière arbitraire. Les lois elles-mêmes ne précisent ni les modalités d’annulation des décisions de remise en liberté ni la procédure à suivre pour interjeter appel de telles décisions.

Des agents du DRS ont procédé dans ces cas encore aux interpellations, au mépris des procédures régissant les arrestations. Les personnes arrêtées ont été maintenues en détention secrète pendant deux ou trois jours avant leur transfert en prison, en l’absence apparente de décision judiciaire à cet effet. Après la publication dans la presse algérienne de plusieurs articles concernant l’arrestation de ces hommes, ils ont été transférés dans des prisons différentes, à cent kilomètres au moins de la capitale, où ils avaient été détenus auparavant et où leurs avocats sont installés. Amnesty International craint que ce transfert loin d’Alger n’ait eu pour but de rendre difficiles les visites régulières de leurs proches et de leurs avocats et d’empêcher ainsi ces éventuels visiteurs d’attirer l’attention sur leur détention. Le statut juridique de ces hommes n’avait pas été clarifié à la fin de mai 2006 et on ignorait quelle était l’autorité qui avait décidé de les renvoyer en prison.

6. La procédure judiciaire

La Convention contre la torture prévoit que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements doivent, sans délai, faire l’objet d’enquêtes impartiales et que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure judiciaire. De telles dispositions n’ont toujours pas été introduites dans la législation algérienne.

Dans la pratique, les autorités judiciaires n’ordonnent habituellement d’enquêtes ni sur les allégations de torture et de mauvais traitements imputés à des agents du DRS ni sur les irrégularités graves concernant la garde à vue. Des déclarations qui auraient été faites sous la torture ou les mauvais traitements par des personnes soupçonnées d’activités terroristes et détenues par le DRS sont régulièrement utilisées pour obtenir des condamnations.

Par ailleurs, la législation algérienne maintient une définition large du terrorisme, introduite par la législation d’exception en 1992(35) et intégrée par la suite dans le Code pénal. La définition des actes de terrorisme est tellement large qu’elle permet la pénalisation de l’exercice pacifique de certains droits civils et politiques.

La définition large des actes de terrorisme

Selon l’article 87 bis du Code pénal, la définition du terrorisme englobe tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de mettre en danger la vie des personnes ou de porter atteinte aux biens, d’entraver la liberté de mouvement, de faire obstacle à l’action des autorités publiques, d’attenter aux symboles de la Nation et de la République, de porter atteinte à l’environnement ainsi qu’aux moyens de communication et de transport, de faire obstacle au fonctionnement des institutions publiques ou au libre exercice du culte et des libertés publiques. Depuis l’adoption de ces dispositions, Amnesty International s’est inquiétée de ce que cette définition n’est pas conforme au droit international, dans la mesure où elle fait tomber sous le coup de la loi l’exercice de droits garantis par le droit international relatif aux droits humains(36).

Cette définition large a favorisé l’emprisonnement de personnes qui avaient exercé leurs droits de manière pacifique ainsi que d’avocats et de militants des droits humains qui défendaient des personnes accusées d’activités terroristes. Les peines réprimant les infractions qualifiées d’actes de terrorisme ont été doublées et le champ d’application de la peine de mort a été élargi à des crimes punis auparavant de la détention à perpétuité. Des activités qualifiées selon une formulation vague d’encouragement à des activités terroristes ou d’apologie d’actes de terrorisme sont passibles de peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement. L’appartenance à un groupe terroriste opérant à l’étranger, sous quelque forme que ce soit, est passible d’une peine maximale de vingt ans d’emprisonnement, que les activités soient ou non dirigées contre les intérêts de l’Algérie(37).{mospagebreak}

Les obstacles rencontrés lors du dépôt d’une plainte pour torture

Les détenus qui ont été torturés ou maltraités pendant leur détention secrète n’en font pas toujours état quand ils comparaissent pour la première fois devant une autorité judiciaire. Les raisons de ce silence sont multiples : les détenus ne font guère confiance à la justice et ne sont, le plus souvent, pas informés de leurs droits au regard de la législation nationale et du droit international. Lorsqu’on les présente à un juge pour la première fois, les détenus, dans la plupart des cas, ne peuvent consulter un avocat (voir plus loin : L’impossibilité de consulter un avocat).

Des détenus ont déclaré à Amnesty International qu’avant leur présentation aux autorités judiciaires, des agents du DRS les avaient menacés de les ramener à la caserne s’ils se plaignaient du traitement qui leur avait été infligé. Dans certains cas, semble-t-il, des agents du DRS assistent aux audiences, vraisemblablement pour intimider les accusés et les dissuader de se plaindre d’avoir été torturés ou maltraités.

L’absence d’enquêtes sur les allégations de torture

L’absence d’enquêtes sur les plaintes pour torture et autres mauvais traitements est de longue date un sujet de préoccupation pour Amnesty International. S’agissant des cas de torture ou autres mauvais traitements soumis par l’organisation aux autorités algériennes, celles-ci n’ont pas répondu ou ont affirmé qu’aucun acte de torture n’avait été commis et qu’aucune enquête n’avait été ouverte, aucune plainte n’ayant été déposée.

L’absence de plainte formelle n’est pas une raison valable pour justifier le manque d’investigations sur des allégations de torture ou de mauvais traitements. L’article 12 de la Convention contre la torture dispose que tout État doit ordonner l’ouverture d’une enquête «chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction». Et, pour citer le rapporteur spécial sur la torture : «Lorsqu’un prévenu se plaint d’avoir été victime d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements au moment de son procès, c’est au parquet qu’il revient de prouver sans l’ombre d’un doute que les aveux du prévenu n’ont pas été obtenus par des moyens illicites, notamment la torture ou d’autres mauvais traitements(38).»

Dans son troisième rapport périodique soumis récemment au Comité contre la torture, le gouvernement algérien présente les cas de torture durant la garde à vue recensés par les organisations de défense des droits humains comme n’étant «pas entièrement faux». Toutefois, il ajoute que «chaque fois que des violations sont portées à la connaissance des autorités compétentes, elles ne restent pas impunies, et les responsables sont sanctionnés dans le cadre de la loi(39)». Les autorités n’ont toutefois fourni aucune information démontrant qu’il en allait ainsi dans la pratique.

Selon le Code de procédure pénale, quand une personne est inculpée à la fin de la garde à vue, elle est présentée au procureur et informée des charges retenues à son encontre avant de comparaître devant un juge d’instruction. Des avocats algériens affirment que la comparution devant le procureur est brève et formelle, et que le prévenu n’a pratiquement pas la possibilité de faire une déclaration. L’organisation a connaissance de quelques cas dans lesquels les prévenus ont apparemment signalé au procureur qu’ils avaient été torturés ou maltraités. Dans tous les cas, celui-ci aurait rejeté ces allégations sans ordonner l’ouverture d’une enquête. Le rapport de l’Algérie au Comité contre la torture affirme, en contradiction flagrante avec ces témoignages : «Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis des actes de torture pouvant être qualifiés de crime, le procureur de la République demande au juge d’instruction d’ouvrir une enquête(40).» Le rapport ne fournit aucun détail sur des investigations qui auraient été diligentées dans de tels cas.

L’article 15 des Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet dispose : «Les magistrats du parquet s’attachent dûment à engager des poursuites dans le cas de délits commis par des agents de l’État, notamment des actes de corruption, des abus de pouvoir, des violations graves des droits de l’homme et autres délits reconnus par le droit international et, lorsque la loi ou la pratique nationale les y autorise, à ouvrir une enquête sur de telles infractions.»

Amnesty International a recueilli des informations concernant plusieurs cas dans lesquels des détenus ont formulé des allégations de torture lors de leur première comparution devant un juge d’instruction. Les juges semblent rejeter systématiquement ces allégations sans ordonner l’ouverture d’une enquête (voir plus loin le cas de Boubker Sadek). Les détenus qui avaient demandé expressément, lors de leur présentation aux autorités judiciaires, à être examinés par un médecin légiste ont, semble-t-il, vu leur demande rejetée.

Le juge d’instruction se serait parfois déclaré incompétent pour ordonner une enquête. Dans de très rares cas, les allégations ont été mentionnées brièvement et de manière imprécise dans le dossier. Aucun juge n’a toutefois ordonné un examen par un médecin légiste pour déterminer l’existence de marques de torture ou de mauvais traitements. Dans le cas d’Amar Saker (voir plus haut) dont le corps portait des traces visibles de torture quand il a été présenté au juge d’instruction, celui-ci a désigné un psychologue et non un médecin légiste ; l’examen n’a apparemment pas eu lieu.{mospagebreak}

Lorsqu’il existe des raisons de croire que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été infligés au cours des interrogatoires, les juges doivent veiller à l’ouverture sans délai d’une enquête impartiale, conformément aux dispositions des articles 12, 13, 14 et 16 de la Convention contre la torture.
L’impossibilité de consulter un avocat

Selon la législation algérienne, les individus soupçonnés d’activités terroristes peuvent être privés de la possibilité de consulter un avocat jusqu’à leur comparution devant un procureur puis un juge, pendant une durée qui peut atteindre douze jours. Les modifications du Code de procédure pénale opérées en 2004 prévoient le droit d’être assisté d’un avocat lors de la présentation au procureur, mais uniquement dans le cas où le suspect a été pris en flagrant délit et où il n’est donc pas nécessaire de recueillir d’autres éléments de preuve(41). Toutefois, la très grande majorité des affaires liées au terrorisme exigent le recueil d’éléments de preuves supplémentaires et ne relèvent donc pas de cette catégorie.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, la plupart des personnes accusées d’activités terroristes ne sont pas assistées d’un avocat lors de leur première comparution devant un juge, alors que ce droit est énoncé par le Code de procédure pénale. L’article 100 garantit le droit des détenus d’être assistés de l’avocat de leur choix et de ne faire aucune déclaration devant le juge. Il dispose également que le juge doit informer les détenus de ces droits. Par ailleurs, l’article 105 prévoit que les auditions ne peuvent se dérouler en l’absence de l’avocat d’un détenu, à moins que celui-ci ne déclare expressément qu’il ne souhaite pas être assisté d’un avocat.

Dans la pratique, il est peu probable qu’un avocat soit présent lorsqu’une personne accusée d’activités terroristes comparaît devant un juge. Même si la famille a déjà prévenu un avocat pendant la période de garde à vue, celui-ci n’a aucun moyen de savoir quand le détenu sera présenté aux autorités judiciaires. D’une part, les suspects peuvent légalement être maintenus en garde à vue pendant douze jours avant d’être présentés à un juge, et d’autre part, les délais légaux ne sont pas toujours respectés dans les affaires de terrorisme. Par conséquent, l’avocat découvre généralement avec retard que la première comparution devant le juge d’instruction a eu lieu. Dans les rares cas où des personnes soupçonnées d’activités terroristes sont assistées d’un avocat lors de leur première comparution, cela résulte d’une simple coïncidence ou de la persévérance de l’avocat.

Les détenus disent qu’ils ne sont généralement pas informés par le juge de leur droit d’être assisté par un avocat de leur choix, ou du fait que le juge peut désigner un avocat pour les assister s’ils en expriment le désir ; pourtant, le procès-verbal d’audience présenté au tribunal contient généralement un passage indiquant que l’accusé a été informé de ces droits. Certains anciens détenus ont raconté qu’on leur avait demandé s’ils acceptaient de faire une déclaration en l’absence d’un avocat et qu’ils y avaient consenti, soit parce qu’ils ne connaissaient pas leurs droits, soit parce qu’ils avaient peur, en insistant pour qu’un avocat soit présent, d’être de nouveau remis au DRS. En principe, il existe des dispositifs assurant une assistance juridictionnelle à ceux qui n’ont pas les moyens de recourir aux services d’un avocat, mais il en est rarement fait usage dans la pratique.{mospagebreak}

Le droit d’un prévenu à être assisté d’un avocat est l’une des garanties essentielles en matière de procès équitable, énoncée à l’article 14 du PIDCP et s’appliquant à tous les stades de la procédure judiciaire. En outre, le Comité des droits de l’homme et d’autres organes faisant autorité en matière de droits humains ont affirmé que le droit à un procès équitable comprend le droit d’être assisté d’un avocat durant la détention, les interrogatoires et les investigations préliminaires. Le fait que la législation algérienne ne permette pas aux détenus de consulter un avocat pendant la garde à vue les expose non seulement à un risque accru de torture et de mauvais traitements, mais porte atteinte d’emblée à leur droit à un procès équitable.

Le droit des détenus d’être assistés d’un avocat au moment de leur inculpation est également énoncé par les principes 5 et 6 des Principes de base sur le rôle du barreau. Le principe 6 prévoit expressément que toute personne accusée de crimes graves a droit à l’assistance d’un avocat «ayant une expérience et des compétences suffisantes au vu de la nature de l’infraction», et dont les services doivent être gratuits si elle n’a pas les moyens de le rémunérer. Étant donné la gravité des charges dans les affaires d’activités terroristes présumées, Amnesty International est profondément préoccupée par le fait que la majorité des accusés de tels faits n’ont, semble-t-il, pas la possibilité de consulter un avocat avant leur première comparution devant un juge, ce qui porte atteinte à leur droit à un procès équitable.

Les déclarations retenues à titre de preuve

Des procès-verbaux d’interrogatoire dressés par des agents du DRS semblent être régulièrement retenus à titre de preuve par les tribunaux. Dans la plupart des cas portés à la connaissance de l’organisation, aucun autre élément de preuve n’a été invoqué pour justifier une condamnation. Ceci constitue une violation de l’article 215 du Code des procédure pénale, qui dispose que les procès-verbaux d’interrogatoire dressés par la police judiciaire ne constituent pas des éléments de preuve et ne valent qu’à titre de simples renseignements dans une procédure judiciaire.

Selon des avocats algériens, bien que les plaintes pour torture et mauvais traitements ne fassent généralement pas l’objet d’une enquête, elles débouchent parfois sur une peine plus légère, voire un acquittement, si elles sont formulées dès la première comparution et si les accusations sont niées en bloc. Toutefois, en l’absence d’un avocat et si les suspects font l’objet d’intimidation avant leur présentation aux autorités judiciaires, il est possible qu’ils ne reviennent pas, lors de leur première comparution, sur les déclarations figurant dans les procès-verbaux de police, même s’ils les ont signés sous la contrainte. Si les prévenus se plaignent à un stade ultérieur de la procédure judiciaire d’avoir été torturés et maltraités ou d’avoir été contraints de signer les procès-verbaux, les juges rejettent le plus souvent leurs affirmations en arguant qu’ils n’en ont pas fait état en première comparution.

Cette pratique est contraire à l’obligation d’ordonner sans délai l’ouverture d’une enquête impartiale sur les allégations de torture et de mauvais traitements (voir plus haut) ; de plus, l’utilisation à titre de preuve dans une procédure de déclarations, tels les procès-verbaux, obtenues à la suite d’actes de torture ou de mauvais traitements constitue une violation du droit international. L’article 15 de la Convention contre la torture qui prohibe l’utilisation à titre de preuve dans une procédure de déclarations obtenues sous la torture dispose :
«Tout État partie veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite.»

Bien que cette prohibition soit l’un des moyens essentiels pour empêcher le recours à la torture, elle ne figure pas dans la législation algérienne. Le recours à la torture a le plus souvent pour but d’arracher des aveux ou d’autres déclarations en vue d’obtenir une condamnation. L’incitation à utiliser de telles pratiques diminue fortement si l’utilisation de telles déclarations dans les procédures judiciaires est prohibée. La prohibition énoncée à l’article 15 de la Convention contre la torture ne se limite pas aux aveux ; elle est absolue et par conséquent inséparable du devoir des tribunaux d’ouvrir sans délai une enquête impartiale sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements. L’article 15 de la Convention contre la torture ne vise que les déclarations obtenues sous la torture, mais l’article 12 de la Déclaration contre la torture prohibe également l’utilisation de déclarations obtenues à la suite de mauvais traitements autres que des actes de torture.

Le Comité des droits de l’homme a également affirmé que la loi devrait interdire d’utiliser ou de déclarer recevables dans une procédure judiciaire des déclarations ou aveux obtenus par la torture ou «tout autre traitement interdit (42)».

L’impact des lois d’amnistie récentes

Parmi les personnes remises en liberté en mars 2006 à la faveur des dispositions des lois accordant l’exemption des poursuites figurent des individus détenus dans des affaires de terrorisme et qui ont été torturés ou maltraités par des agents du DRS. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été effectuée sur des allégations de torture, et l’État algérien est toujours tenu d’enquêter sur les violations et de veiller à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements aient accès à des voies de recours idoines, conformément à l’article 14 de la Convention contre la torture et à l’article 2 du PIDCP. Ces dispositions sont applicables que les victimes aient ou non été remises en liberté et que les responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements soient ou non protégés par la législation nationale.

L’amnistie généralisée accordée aux membres des forces de sécurité par les lois adoptées en février 2006 couvre les violations commises à l’occasion de l’arrestation et de la détention de suspects, et notamment les actes de torture ou la détention arbitraire, qui sont passibles de lourdes peines aux termes de la législation algérienne. Par conséquent, les personnes qui ont été victimes d’actes de torture, de mauvais traitements ou de détention arbitraire avant l’adoption des lois d’amnistie ne pourront pas se tourner vers les tribunaux algériens pour réclamer justice.

Qui plus est, les décrets de février 2006 contredisent certaines modifications législatives récentes visant à mettre les lois algériennes en conformité avec le droit international. C’est ainsi que les amendements au Code de procédure pénale introduits en 2004 prévoient l’absence de prescription pour les actes qualifiés de «crimes terroristes», ce qui est incompatible avec l’extinction de l’action publique à l’encontre d’un grand nombre d’individus poursuivis pour de tels crimes. Aucune disposition similaire n’a été introduite pour le crime de torture, bien qu’aux termes du droit international coutumier, la prescription ne s’applique pas aux actes de torture. Les amendements au Code pénal de 2004 ont introduit des dispositions relatives à la torture (voir plus haut : L’absence de contrôle et d’obligation de rendre des comptes), mais les lois d’amnistie de 2006 entraveront sans aucun doute l’application pratique de ces dispositions.

Amnesty International craint que les dispositions prévoyant l’impunité pour les membres des forces de sécurité ne s’appliquent aussi aux actes de torture et aux mauvais traitements infligés après l’adoption des lois d’amnistie de 2006 et qu’elles n’empêchent les tribunaux d’enquêter à l’avenir sur les plaintes (voir plus haut : Les lois d’amnistie de 2006). Par ailleurs, aux termes de l’article 46 du décret d’amnistie qui réprime toute critique sur la conduite des forces de sécurité, quiconque dénonce des actes de torture ou des mauvais traitements imputables aux forces de sécurité est passible de poursuites. Si ces dispositions étaient appliquées, elles porteraient atteinte au droit à la liberté d’expression et à l’état de droit en ce qu’elles réduisent à néant la pénalisation de la torture et des mauvais traitements dans la législation algérienne et privent les victimes du droit d’accès à des voies de recours efficaces et à une réparation, énoncé par les articles 13 et 14 de la Convention contre la torture et 2-3 du PIDCP.

Ces mesures sont particulièrement inquiétantes alors que la liberté d’expression est fortement restreinte en Algérie. Le nombre de procédures judiciaires ouvertes contre des journalistes et des rédacteurs en chef de quotidiens a considérablement augmenté au cours des deux dernières années, ce qui vise manifestement à réduire au silence les médias privés. Il s’agit dans la plupart des cas de procédures pour diffamation contre des journalistes, qui sont passibles de peines d’emprisonnement pour avoir rapporté des allégations de corruption ou critiqué des responsables gouvernementaux. Des proches de «disparus» et des défenseurs des droits humains ont également été poursuivis pour avoir protesté contre les lois d’amnistie ou désigné publiquement les personnes qui, selon leurs dires, avaient emmené de force leurs proches.{mospagebreak}

Des défenseurs des droits humains ont déjà été la cible d’actes d’intimidation fondés sur l’article 46 du décret d’amnistie. C’est ainsi qu’en mai 2006, un responsable algérien aurait déclaré à Amine Sidhoum, avocat et militant des droits humains, qu’il était passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, pour le dissuader d’évoquer la situation préoccupante des droits humains en Algérie lors de la 39e session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui se tenait à Banjul, en Gambie.

En même temps, les autorités continuent de restreindre la surveillance de la situation des droits humains depuis l’extérieur du pays. L’Algérie ne coopère pas véritablement avec les mécanismes des droits humains des Nations unies, tout particulièrement parce qu’elle refuse l’accès aux experts dans le domaine de ces droits. Le rapporteur spécial sur la torture, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui ont respectivement sollicité des invitations en 1997, en 1998 et en 2000, n’ont pas été autorisés à effectuer des recherches en Algérie. Les visites de la rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes et du rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, auxquelles le gouvernement avait donné son accord pour 2006 ont été annulées et ajournées indéfiniment à la fin de 2005. Les autorités continuent de restreindre l’accès au pays des membres des organisations internationales de défense des droits humains et des journalistes qui doivent obtenir un visa. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains se voient souvent refuser l’accès à l’Algérie, par exemple parce que le moment de leur visite est jugé inopportun. En décembre 2005, l’organisation Avocats sans frontières, qui souhaitait ouvrir un centre de conseil juridique gratuit pour les victimes d’atteintes aux droits humains, se serait vu refuser la délivrance d’un visa.

Conclusion

Les violations systématiques des droits humains exposées dans le présent rapport démontrent que les agents du DRS continuent de maintenir en détention secrète des individus soupçonnés d’activités terroristes et de torturer et maltraiter les suspects au cours des interrogatoires. Ces violations sont commises dans une impunité totale, renforcée par les lois d’amnistie de 2006. Tandis que les violences persistent à un niveau réduit en Algérie, les arrestations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme se poursuivent.

Amnesty International reconnaît que les États ont le droit et le devoir de protéger la vie et la sécurité des personnes se trouvant sur leur territoire et de prendre des mesures nécessaires et proportionnées pour prévenir les actes de terrorisme. Ces initiatives doivent toutefois être conformes au droit international.

L’organisation estime que les intérêts de la justice et de la sécurité ne peuvent être servis si les détenus sont privés de leurs droits fondamentaux et que le gouvernement et ses alliés, dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme», ferment les yeux sur le recours à la torture et les mauvais traitements.

Pour mettre un terme au cycle de la violence et de la répression, le gouvernement doit veiller à ce que ses propres agents engagés dans la lutte contre le terrorisme respectent leurs obligations en matière de droits humains. Les autorités devraient avoir pour priorités de renforcer l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains et de mettre un terme à la torture et aux mauvais traitements.

La négation persistante par les autorités algériennes des violations généralisées qui ont été commises montre que l’Algérie a encore beaucoup à faire pour combattre la torture et autres mauvais traitements. Amnesty International espère que le présent rapport, qui révèle un secteur où les atteintes sont systématiques et formule des recommandations concrètes, contribuera, à long terme, à mettre fin à la torture et aux mauvais traitements. Dans un premier temps, pour agir face à ce problème, le gouvernement doit prendre acte des allégations inquiétantes d’atteintes aux droits humains recueillies dans ce rapport et s’engager en public à ordonner des enquêtes à leur sujet. Étant donné les violations systématiques décrites dans ce rapport, l’organisation appelle également le gouvernement à veiller à ce que les agents du DRS ne soient plus responsables de l’arrestation et de la détention de suspects.

Recommandations

Amnesty International appelle le gouvernement algérien à mettre en œuvre les recommandations suivantes.

Condamner la torture et les autres mauvais traitements

Condamner officiellement et publiquement la torture et les mauvais traitements ;
Veiller à mettre un terme à ces pratiques, et faire savoir clairement qu’elles sont prohibées et ne seront en aucun cas tolérées ;
Faire clairement savoir à tous les agents de l’État chargés des arrestations et de la détention, et tout particulièrement à ceux du DRS, que le recours à la torture et aux mauvais traitements ne sera en aucun cas toléré.

Mettre en application des garanties

Mettre un terme à la détention au secret et veiller à ce que le droit des détenus, énoncé par la législation algérienne, de communiquer immédiatement avec l’extérieur, y compris avec leur famille, et de recevoir des visites soit respecté ;
Veiller à ce que tous les fonctionnaires qui mènent des enquêtes sur des infractions liées au terrorisme soient correctement formés et qu’ils respectent scrupuleusement les garanties prévues par la législation algérienne et le droit international, qui protègent les individus contre l’arrestation arbitraire, en particulier l’obligation d’informer les détenus de leurs droits et de notifier sans délai aux procureurs les arrestations et leurs motifs ;
Mettre en application la disposition du dernier paragraphe de l’article 51 du Code de procédure pénale qui rend passible de poursuites pénales tout officier de police judiciaire qui viole les procédures et les délais de garde à vue ;
Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, ainsi que les circonstances dans lesquelles ces sévices ont été infligés, fassent sans délai l’objet d’enquêtes impartiales, même en l’absence de plainte formelle.

Mettre fin aux arrestations et aux placements en détention par le DRS

Prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que les agents du DRS, qui violent systématiquement les garanties, ne procèdent plus aux arrestations ni aux placements en détention et qu’ils ne puissent plus exercer les fonctions d’officier de police judiciaire.

Renforcer la protection

Promulguer une loi imposant à tous les agents de l’État qui procèdent à des arrestations de s’identifier auprès des personnes interpellées et de leur notifier les motifs de leur arrestation.
Instaurer de nouvelles garanties permettant aux détenus d’être examinés par un médecin indépendant dès leur arrestation et à l’issue de chaque séance d’interrogatoire, et surveiller la qualité des certificats médicaux ;
Amender la législation afin de garantir que tous les détenus ont accès à un avocat dans les vingt-quatre heures suivant leur arrestation et à tous les stades de la procédure judiciaire, notamment durant la détention, les interrogatoires et les investigations préliminaires ;
Veiller à ce que les autorités chargées de la détention soient distinctes de celles chargées des interrogatoires ;
Mettre en place un système de visites régulières et inopinées de tous les centres de détention, y compris ceux utilisés pour la garde à vue, par des organismes nationaux indépendants de manière à contrôler le traitement des détenus et leurs conditions de détention ;
Instaurer et mettre en application un système de mesures efficaces englobant tous les éléments du Programme en 12 points d’Amnesty International pour la prévention des actes de torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de l’État(43).

Mettre un terme à la détention secrète

Mettre un terme à la détention secrète dans des casernes de l’armée où les détenus risquent d’être torturés ou maltraités et où les conditions de détention peuvent constituer en elles-mêmes une forme de peine ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
Veiller à ce que toutes les personnes interpellées soient détenues dans des lieux officiellement reconnus et pouvant être inspectés par les procureurs et des autorités indépendantes compétentes ;
Dans l’intérêt de la transparence, publier des listes tenues à jour de tous les lieux de détention sous une forme accessible aux avocats et au public ;
Tenir un registre central à jour de sorte que tous les détenus puissent être localisés.

Garantir des procès équitables

Abroger ou modifier les dispositions juridiques relatives aux infractions liées au terrorisme qui violent les normes internationales, et notamment la définition très large du terrorisme ;
Veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été recueillie sous la torture ou les mauvais traitements ne puisse être retenue à titre de preuve dans une procédure judiciaire, si ce n’est contre la personne accusée d’actes de torture ou de mauvais traitements, et introduire des garanties légales à cet effet ;
Veiller à ce que les personnes accusées de crimes graves, comme les infractions liées au terrorisme, aient accès à un avocat compétent et dont les services doivent être gratuits si elles n’ont pas les moyens de le rémunérer.

Mettre un terme à l’impunité

Veiller au renforcement des dispositions qui font de la torture une infraction pénale et qui ont été introduites en 2004 dans le Code pénal. Les individus qui ont commis, ordonné ou autorisé des actes de torture et des mauvais traitements doivent être traduits en justice, et les victimes de torture et de mauvais traitements doivent recevoir des réparations appropriées ;
Abroger la législation introduite par le décret présidentiel de février 2006 et qui accorde une amnistie généralisée aux membres des forces de sécurité, ainsi qu’une large impunité aux membres des groupes armés pour des crimes au regard de la législation algérienne et du droit international, et qui pénalise l’exercice de la liberté d’expression par les victimes de violations des droits humains et les défenseurs de ces droits, entre autres.

Coopérer avec les Nations unies en vue de mettre un terme à la torture

  • Mettre en œuvre les recommandations formulées par les organes de suivi des traités et les procédures spéciales ;
  • Délivrer une invitation permanente à tous les experts des Nations unies dans le domaine des droits humains, et faciliter immédiatement les visites sollicitées par les rapporteurs spéciaux des Nations unies, et notamment le rapporteur spécial sur la torture ;
  • Soumettre en priorité au Comité des droits humains le rapport en retard ;
  • Ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

 

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