Sahara : Les jeunes à la croisée des chemins

Etre jeune au Sahara aujourd’hui n’est pas une sinécure. En effet, dans le Sahara occidental, sous administration marocaine, les jeunes sahraouis, bien que nourris et scolarisés par le Maroc, et jouissant d’infrastructures modernes, ont l’âme bien révolutionnaire. Ne décolérant pas, ils rêvent de lendemains enchanteurs. Ils sont volontairement contestataires de l’ordre établi, voire frondeurs et n’hésitent pas à arborer, par défi beaucoup plus que par conviction, les couleurs et le drapeau du Polisario, alors qu’ils ignorent les dures réalités quotidiennes de leurs frères et cousins là-bas dans les camps de Tindouf où des populations entières sont parquées et embrigadées pour une cause dont ils ne voient pas l’aboutissement.
Dans les camps de Tindouf, en territoire algérien, la donne est évidemment différente comme en témoignent les organisations et les ONGs internationales. Les camps et leur population vivent dans le dénuement et la précarité la plus totale et qui ne sont prêts de s’estomper, soumis à un embrigadement délirant et à un verrouillage militaire et policier sévère et humiliant. Les jeunes et les moins jeunes vivent dans la peur et l’attente d’une dénonciation, d’une arrestation arbitraire ou d’un emprisonnement, ou alors d’une affectation soudaine et inconnue. Finies les parades militaires, les chants de victoire et les illusions  de sable de la glorieuse République Arabe Sahraouie Démocratique en exil.

Après 36 ans de lutte et de conflit armé avec le puissant voisin marocain, les espoirs de remporter la victoire se sont évanouis. Au sein du Front Polisario, après la mort des chefs historiques et la mort de l’idéal révolutionnaire qui allait enflammer toute la région, les choses se sont compliquées à la suite de querelles intestines et de luttes, souvent mortelles, entre tribus et clans rivaux. La direction s’est recroquevillée sur elle-même et le mouvement pour survivre et maintenir ses troupes et sa mainmise sur les camps, s’est adonné et de plus en plus à toutes sortes de trafic et de contrebande, des armes, de la drogue, de l’argent et de êtres humains, en s’alliant aux réseaux existants et en créant d’autres, avec la complicité des militaires algériens. Ce fut chose aisée d’autant plus que la région connaît une intense activité avec le mouvement islamiste du GSPC, les rebelles touaregs du Mali et du Niger et le banditisme local. Dans tout cela, les jeunes sahraouis ne savent plus où donner de la tête, avoue un jeune sahraoui établi aux Iles Canaries. Désœuvrés et désenchantés, ils ne croient plus à rien. Ils ne se reconnaissent plus dans les slogans et les discours creux et passéistes du Polisario et ils se voient condamnés à pourrir dans une région déshéritée et dans un conflit dont ils ne voient pas le bout de sortie et qui a ravagé des générations entières, et qui plus est perdure.
Aussi avec l’irruption dans la région du Tanzim al-Qaïda bi-Biladi al-Maghrib, beaucoup de jeunes sahraouis sont séduits par le discours islamiste, car porteur d’espoir et l’envolée lyrique et salafiste de ses ténors prédicateurs. Certains ont déjà rejoint l’organisation et s’entraînent dans les camps d’entraînement militaire islamistes, situés  aux confins des frontières de l’Algérie, du Mali et du Niger. D’autres, moins nombreux, sont déjà à pied d’œuvre ans les opérations de guérilla menées par le Tanzim en Mauritanie et dans toute cette zone névralgique du nord-ouest africain.
Alors, quel avenir pour ces milliers de jeunes sahraouis privés de liberté, apatrides, sans réelle identité, si ce n’est l’identité officielle algérienne et sans vraie perspective, se demande un autre sahraoui, étudiant de sociologie à Malaga. Il est certain que l’idéologie islamiste a le vent en poupe et gagne du terrain et les jeunes sahraouis y sont de plus en plus sensibles. Les guerres d’Irak, du Liban et de Palestine, ainsi que celle plus éloignée d’Afghanistan alimentent l’imaginaire enflammé des jeunes et les poussent naturellement dans les bras des prédicateurs des mouvements islamistes radicaux, comme le GSPC, le Hezbollah ou le Hamas, voire des groupuscules moins connus dans la région. Encadrés et armés, ils constituent une réelle menace de déstabilisation pour tous les pays de cette partie de l’Afrique, du Maghreb aux pays africains subsahariens.

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